Philosophe de renommée internationale, Umberto Eco est né à Alessandria en 1932. Depuis 1971 il est titulaire de la chaire de sémiotique de l’université de Bologne. Professeur invité entre autres à Yale et à Columbia University, il a été titulaire de la chaire européenne du Collège de France et a enseigné à l’École normale supérieure à Paris. Il est l’auteur de nombreux essais et d’ouvrages sur la sémiotique, et de quatre romans. Aujourd’hui président de l’École supérieure des sciences humaines à l’université de Bologne, sa carrière a été saluée par trente doctorats « honoris causa ».
Dans le cadre des nombreuses manifestations consacrées à l’Italie par Europalia, vous êtes l’initiateur de l’exposition « Vénus dévoilée ». Comment s’est fait le choix de ce chef-d’œuvre de Titien comme centre de l’exposition ?
Il y a plus d’un an de cela, j’ai rencontré Paul Dujardin, le directeur du palais des Beaux-Arts de Bruxelles à un colloque à Bilbao qui portait sur le thème des musées. Dans mon intervention, je traitais du concept de l’exposition organisée autour d’un seul tableau, idée que j’avais déjà développée voici trente ans dans un texte sur la notion de musée idéal. Paul Dujardin m’a aussitôt proposé de concrétiser cette théorie dans le cadre d’une manifestation à Bruxelles. J’ai été nommé président d’un comité scientifique qui a décidé du commissaire de l’exposition, Omar Calabrese,
historien et sémiologue, et véritable auteur de l’exposition. Nous avons ensuite discuté du choix de l’œuvre principale, qui se portait au départ sur Le Printemps de Sandro Botticelli, mais ce tableau magnifique ne peut sortir du musée des Offices, car il est bien trop fragile. Le conservateur nous a cependant proposé La Vénus d’Urbino, autre tableau extraordinaire. Pour ma part, j’ai seulement eu l’idée, qui n’est pas exceptionnelle, d’un musée didactique centré autour d’un seul tableau.
Quel est le propos de l’exposition et comment se déroule le parcours ?
Le parcours de l’exposition part de l’œuvre centrale La Vénus d’Urbino dans deux directions qui se rejoignent. D’un côté, on va trouver des œuvres qui font référence aux modèles issus de l’art grec, de l’autre, des tableaux presque contemporains. Ces deux parties sont reliées par des salles qui explorent le contexte de création de l’œuvre, ses détails et sa filiation. La Vénus est un archétype de la beauté féminine. Il s’agit donc de montrer dans quelle mesure cette figure archétypale va jouer sur Titien, dans un moment donné de l’histoire avec toutes les discussions entre le milieu platonicien et le milieu non platonicien. Et comment cette image a eu une influence fondamentale dans l’histoire de la peinture. On continue de créer des Vénus, mais on les représente dans la même position que ce modèle qui venait de Giorgione. Un modèle qui a donc continué de fasciner et charmer les peintres. C’est là la raison même de l’exposition. Montrer pourquoi est née cette image, pourquoi à ce moment, sur le sillon de quelles influences et de quelles traditions, dans quel milieu culturel et avec quel pouvoir sur le futur.
Comment se présente votre vision du musée idéal ?
L’idée est simple, même si elle peut demander des efforts de réalisation. C’est exactement ce qui a été développé dans cette manifestation « Vénus dévoilée ». Comme le disait Paul Valéry, la profusion d’œuvres, toutes différentes les unes des autres et hors contexte fatigue l’œil. De nombreux musées exposent uniquement des tableaux de grande attractivité, conservant un grand nombre d’œuvres dans leurs réserves. Pourquoi ne pas songer à un musée vivant qui se réorganiserait constamment, selon les saisons et autour d’une œuvre centrale. Ainsi on pourrait imaginer un musée des Offices décidant de restructurer son agencement, pour un certain temps autour du Printemps de Botticelli. La présentation dans les différentes salles viserait à éduquer le visiteur avant d’arriver devant l’œuvre centrale qui serait détaillée dans les salles suivantes, où seraient ensuite données des informations sur l’héritage. Offrant toujours de nouvelles surprises, un musée de ce genre se renouvellerait sans cesse, amenant les visiteurs à revenir. Par ailleurs, il pourrait voyager et être présenté dans de nombreux lieux d’expositions. Mon rêve personnel est que l’expérience de la « Vénus dévoilée » puisse un jour s’appliquer à un vrai musée.
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Umberto Eco, du musée idéal
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°553 du 1 décembre 2003, avec le titre suivant : Umberto Eco, du musée idéal