MOSCOU / RUSSIE
MOSCOU (RUSSIE) [25.09.15] - La 6ème Biennale de Moscou qui vient d’ouvrir ses portes apparaît bien maigrichonne. En cause, le faible budget alloué par un Etat qui n’aime pas l’art contemporain et une ambiance très conservatrice.
10 journées de performances plaçant le visiteur au centre du processus créatif, c’est le programme annoncé par les trois commissaires de la 6ème biennale de Moscou, au premier rang desquels figure le Belge Bart de Baere (directeur du Musée d’art contemporain d’Anvers). A l’ouverture de la biennale mardi, le projet principal ressemblait à une galerie entre deux expositions. Trois grandes salles où circulaient des artistes affairés à donner des consignes aux techniciens. Pas grand-chose à voir, mais Bart de Baere prévient : « Cette biennale n’est pas un magasin de jolis objets. Tout est dans le processus : nous allons montrer ce qui est habituellement caché, l’instant magique de la création. Nous voulons concentrer toute l’énergie dans un seul endroit. » Parmi les artistes invités, une forte dominante belgo-flamande (Ives Maes, Luc Tuymans, Maarten Vanden Abeele, Honoré d’O), le Français Fabrice Hyber, qui exécute des portraits de visiteurs de la biennale à base de pétrole brut. Deux figures de l’art contemporain slave, le russe Anatoly Osmolovsky et l’ukrainien Sergey Bratkov.
Conçue comme un « work-in-progress » collectif et une série de performances, la biennale de Moscou s’affiche aussi et surtout comme un lieu de réflexion, avec des conférences réunissant des personnalités inhabituelles, comme l’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis, l’architecte hollandais Rem Koolhaas et le pape de l’arte povera Michelangelo Pistoletto. Au terme des dix journées d’action, le projet principal de la biennale doit se figer en une exposition des résultats, du 3 octobre au 1er novembre.
Les organisateurs misent-ils sur l’immatériel pour pallier au manque de moyens et à l’hostilité environnante, qui a conduit à de nombreux changements de dernière minute ? C’est en tous cas l’impression donnée par les premières journées de la biennale, et par la mine taciturne de son fondateur, Iossif Bakstein, qui vient lundi de fêter son 70ème anniversaire. Le patriarche de la scène artistique russe, parle entre ses dents lorsqu’il évoque le budget de la 6ème biennale : 55 millions de roubles (742 000 euros), soit trois fois moins que l’édition précédente. L’Etat n’a donné que 400 000 euros, ce qui est logique de la part d’un ministre de la Culture Vladimir Medinsky détestant l’art contemporain. La page des mécènes est vide : à peine la banque du collectionneur d’art Alexandre Gafin et deux sociétés inconnues du grand public. « Tout va bien, nous n’avons pas de problème », a lâché Bakstein en regardant dans le vide, lors de la conférence de presse.
Conformément à l’idéologie conservatrice dominante en ce moment en Russie, la biennale ne pouvait se dérouler qu’à l’ombre du passé. Elle célèbre ses dix ans sous le regard d’une statue de Vladimir Lénine. Une boucle a été effectuée puisque sa naissance s’est déroulée en 2005 dans le vaste Musée Lénine, à deux pas du Kremlin. Mais il n’est plus question aujourd’hui d’occuper le Musée Lénine. Le projet principal de la biennale se déroule dans un seul des nombreux pavillons du VDNKh au lieu des trois prévus.
« Comment vivre ensemble ? Vue du centre-ville, au coeur de l’île Eurasie » C’est ainsi que les organisateurs posent la problématique de la 6ème biennale de Moscou. Une interrogation qui prend tout son sens alors que l’élite politique ne désire guère vivre ensemble avec l’art contemporain et repousse l’exposition principale aux confins de Moscou, dans un parc d’attraction dédié aux grands travaux soviétiques.
Il n’y a pas que Lénine qui fasse de l’ombre à la biennale. En principe, le projet principal est supposé dominer les autres lieux. Or, c’est l’inverse qu’on observe cette année. L’exposition principale paraît étriquée et isolée face aux événements organisés en marge par les musées privés de Moscou : Anish Kapoor au Musée Juif, Louise Bourgeois au Garage, Pavel Pepperstein, Michal Rovner et AES F au Musée des arts multimédias. Et surtout le projet « Espoir », organisé dans une friche industrielle par le Forum Culturel Autrichien de Moscou. Une poignée d’artistes ont rapporté de plusieurs centres industriels soviétiques délabrés des objets et photographies documentant cet héritage douteux. L’exposition s’avère pourtant une vraie réussite esthétique capable de générer de l’espoir.
Tout cela donne le sentiment que le VDNKh n’accueille que les miettes d’une biennale dominée par les mécènes privés. L’Etat s’est totalement détourné de l’art contemporain. L’Eurasie qui l’intéresse comme territoire de conquête et non comme une zone de dialogue culturel.
La 6ème biennale d’art contemporain de Moscou se déroule du 22 septembre au 1er novembre.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Biennale de Moscou : la performance comme cache-misère
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Le pavillon central de VDNKh qui accueille la biennale. © : LCDR - 6th.moscowbiennale.ru