Sandra Hindman : « Les marchés de niche se portent bien en temps de crise »

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 21 mai 2013 - 782 mots

PARIS [21.05.13] - Sandra Hindman, fondatrice et propriétaire de la galerie Les Enluminures, spécialisée dans les manuscrits du Moyen Age expose en ce moment des livres d’heures chez Anthony Meyer. L’occasion de faire le point sur ce marché.

Depuis quand existe votre galerie ?
J’avais une galerie au Louvre des Antiquaires depuis septembre 1991. J’y suis restée 22 ans. Le Louvre des Antiquaires ayant beaucoup changé, j’ai tout rapatrié dans mon bureau de la rue Jean-Jacques Rousseau, que j’ai toujours eu et qui est devenu un showroom. J’ai ouvert il y a 1 an une galerie à New York et je fais des salons (Tefaf, Winter antique show à New York, Masterpiece à Londres) et deux foires du livre ancien à New York et Paris.

Quelle est votre spécialité ?
J’ai un doctorat en histoire de l’art et j’ai été professeure à l’université de Baltimore (11 ans) puis à celle de Northwestern à Chicago (22 ans). Je suis médiéviste spécialisée dans les manuscrits du Moyen Age tardif : les enluminures (pages isolées d’un manuscrit), les manuscrits enluminés (comprenant les livres d’heures) et les manuscrits de texte, entre le XIIIe et le XVe siècles, plutôt français mais aussi flamands et de l’Europe du Nord. J’ai un 4e domaine : les bagues du Moyen Age. Dans les années 80, les marchands dans ce domaine m’ont demandé si je pouvais leur écrire leurs notices. Et c’est comme ça que j’ai découvert le monde du marché de l’art.

D’où vient cette passion pour les enluminures ?
Aussitôt qu’on touche et qu’on manipule un manuscrit, on est convaincu ! J’ai toujours beaucoup lu. J’ai eu la chance d’aller dans une université où il y avait une collection de manuscrits que l’on avait le droit de manipuler. Et puis j’ai eu une prof géniale qui m’a transmis sa passion. Mais je ne collectionne pas les enluminures. Je suis contre l’idée de collectionner dans son domaine : les clients vont penser que vous gardez le mieux pour vous.

Vous exposez en ce moment à la galerie Anthony Meyer ?
Oui, nous organisons une exposition dont le thème est le livre d’heures, à travers une vingtaine d’ouvrages du XIIIe au XVIe siècles. Anthony Meyer nous prête ses murs. Le livre d’heures est un manuscrit enluminé à destination des laïcs, comportant un calendrier, des prières et des peintures. C’est un peu le best-seller du Moyen Age tardif, depuis 1200 jusqu’à 1550 environ. Se calquant sur une journée monastique, (découpée en 8 heures), il permettait aux laïcs de l’imiter chez eux. Nous avons toujours en stock 35 à 40 livres d’heures, c’est notre créneau. Le prix de départ est de 70 000 à 100 000 eu-ros. Il en existe des moins chers mais je n’achète pas d’ouvrages fragmentaires, incomplets ou en mauvais état. Le prix record est de 12 millions de livres (valeur réactualisée) pour le livre de prière Rothschild. Plusieurs livres d’heures de Tours, de Paris, de Normandie et de Dijon seront exposés (80 000 à 500 000 euros). Paris et Bruges étaient les centres les plus importants des livres d’heures au XVe siècle.

Pourquoi avoir intitulé votre exposition « Le Moyen Age au fils des pages » ?
On est très « électronique ». On utilise un logiciel qui s’appelle « turning the pages ». C’est un logiciel créé, protégé et diffusé par la British Library, qui permet de tourner les pages des manuscrits et de les agrandir : c’est un livre virtuel. 4 livres, assez différents, seront mis à disposition sur Ipad pendant l’exposition. Ce n’est pas une substitution mais c’est une autre expérience.

Comment se porte le marché des enluminures ?
Mes quatre secteurs, dont les enluminures et manuscrits vont très bien. Les trois dernières années sont mes meilleures années. C’est aussi ce que pensent les autres marchands spécialisés. Nous sommes quatre dans le monde. Je suis la seule en France et aux Etats-Unis (un à Londres et deux en Suisse). Souvent, les marchés de « niche » se portent bien en temps de crise. Nos clients sont des universitaires, des musées (Louvre, Me-tropolitan Museum, Getty, National Gallery, Cluny, Ecouen) et des collectionneurs privés. C’est un marché qui n’est pas global mais international : l’Europe, l’Amérique du Sud et du Nord mais pas les continents asiatique ni indien.

Quels sont les prix ?
Pour une belle enluminure, il faut compter 8 à 12 000 euros, le prix record étant 800 000 euros. Il n’y a pas plus d’une douzaine d’enluminures entre 400 000 et 800 000 euros. Pour les manuscrits de texte, c’est très spécial : 95 % de nos clients sont des institutions, universités ou bibliothèques et les prix vont de 10 000 à 100 000 euros.

Légendes photos

Sandra Hindman - Photo courtesy LES ENLUMINURES

L'affiche de l'exposition « Le Moyen Age au fils des pages » , du 16 au 25 mai 2013 à la Galerie Meyer - source www.galerie-meyer-oceanic-art.com

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