Les conservateurs de musées sont en concurrence avec les collectionneurs privés pour les plus belles pièce de Haute époque souvent révélées à la foire.
« Au moins un des conservateurs du musée se rend à Tefaf, mais le plus souvent nous y allons à plusieurs, de préférence au moment de l’ouverture, ce qui est pour nous une occasion de rencontrer nos collègues, mais aussi des collectionneurs et des donateurs, rapporte Élisabeth Taburet-Delahaye, directrice du Musée national du Moyen Âge de Cluny. Les bons marchands qui sont d’excellents connaisseurs de l’art de cette époque, sont visibles à Tefaf. Il fut un temps où la Biennale des antiquaires de Paris exposait de l’art médiéval. C’est dommage que cela ne soit plus le cas aujourd’hui… », poursuit-elle. Les conservateurs de l’institution parisienne vont à Maastricht repérer de futurs achats, « bien que cela soit devenu plus difficile dans les conditions économiques actuelles », ajoute-t-elle. À Tefaf, les musées espèrent combler leurs lacunes, mais ils savent aussi profiter des opportunités du marché. Pour ce faire, ils écument la section des « Antiques », de loin la plus vaste de Tefaf (avec une centaine d’exposants), où sont regroupés les marchands de la Haute époque. Ils n’oublient pas de s’arrêter chez les libraires de la section « Manuscrits » pour découvrir les livres d’heures et autres pages enluminées ayant refait surface, parfois après des siècles. Enfin, ils font un crochet par la section des « Tableaux » au cas où une intéressante peinture primitive réapparaîtrait. En 2010, une visite sur le stand du marchand de tableaux anciens Charles Beddington (Londres) a conduit le Musée de Cluny à acquérir un panneau du XVe siècle d’Antoine de Lonhy illustrant La Prédication de saint Vincent Ferrier. L’antiquaire l’avait acheté comme peinture anonyme dans une petite vente aux enchères de Province. « Il avait parfaitement fait le travail d’identification et de conservation de l’œuvre au moment où il l’a exposée à Tefaf », se souvient Élisabeth Taburet-Delahaye. Cette œuvre que l’on croyait disparue a pour pendant un Saint Dominique dans son étude, conservé à la galerie Sabauda de Turin.
Conservateurs et collectionneurs sont amenés à se croiser sur les stands de Tefaf. « Le nombre de collectionneurs d’art médiéval est restreint. Mais ce sont de très bons connaisseurs et leurs moyens sont très importants », indique la directrice de Cluny. Au point que, hormis certains musées américains comme le Metropolitan museum de New York et le Getty Museum de Los Angeles qui peuvent débourser des sommes importantes, peu d’institutions entrent en compétition avec les acheteurs privés sur les plus grosses pièces.
Trésors médiévaux
Une quarantaine d’ivoires gothiques, émaux et sculptures sont à découvrir sur le stand de la galerie parisienne Brimo de Laroussilhe qui expose notamment un feuillet droit de diptyque en ivoire de la fin du XIIIe siècle, sculpté de scènes de la Passion sur trois registres. « Dès 1912, l’historien d’art Raymond Kœchlin identifia cet ivoire, alors dans la collection d’Émile Baboin à Lyon, comme le feuillet complémentaire de celui provenant de l’ancienne collection Beck qui est conservé au Musée du Louvre depuis le milieu du XIXe siècle », rapporte Marie-Amélie Carlier qui dirige la galerie. On relèvera encore une plaque en cuivre champlevé, gravé, émaillé et doré du XIIIe siècle, ornée d’une figure d’applique représentant un apôtre en cuivre repoussé, gravé, ciselé et doré, provenant probablement d’un devant d’autel. La galerie new-yorkaise Blumka qui partage depuis vingt ans son espace d’exposition avec l’antiquaire Julius Böhler de Starnberg (Allemagne), montre une exceptionnelle Vierge à L’Enfant en albâtre de la première moitié du XVe siècle, bourguignonne ou rhénane, provenant de l’ancienne collection parisienne Félix Doistau à la fin du XIXe siècle. Le stand du Londonien Sam Fogg, l’un des plus grands marchands d’art médiéval (peintures, sculptures, objets d’art et manuscrits) présent depuis plus de vingt ans à Tefaf, est une étape incontournable pour tous les collectionneurs médiévistes. On peut y admirer une majestueuse Vierge de l’Annonciation en pierre d’Istrie, datant de la fin du XVe siècle et attribuée à Niccolo di Giovanni Fiorentino, « un Florentin qui s’installa en Dalmatie, où il mena la plus grande partie de sa carrière, dans un style mêlant des réminiscences de l’art gothique (dans la draperie) à l’art de la Renaissance à la manière de Luca della Robbia (dans le visage rond à l’expression docile) ou de Donatello », commente le marchand qui expose également un feuillet de graduel enluminé italien du début du XVe siècle, illustrant L’Ascension par le peintre vénitien Cristoforo Cortese. Joseph d’Arimathie et Nicodème lors de la Passion du Christ (vers 1508-1509), miniature de Simon Bening est l’un des points forts de la galerie parisienne Les Enluminures. « Grand enlumineur flamand, Simon Bening est reconnu pour son exceptionnelle habileté en tant que coloriste et pour sa capacité à dépeindre des émotions poignantes, indique sa directrice Sandra Hindman. Sur les onze miniatures originales de sa main connues à ce jour, un bon nombre d’entre elles sont dans des musées tels que la Free Library of Philadelphia et le Cleveland Museum of Art ».
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Une foire unique pour l’art médiéval
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°386 du 1 mars 2013, avec le titre suivant : Une foire unique pour l’art médiéval