PARIS [09.04.13] - Les Galeries nationales du Grand Palais ouvrent pour la première fois la totalité de leur espace à une vaste exposition sur l’art cinétique et optique de 1913 à nos jours. Tout en s’annonçant comme un « blockbuster », l'exposition Dynamo, signée Serge Lemoine, se révèle de haute tenue.
Ce devrait être l’exposition « blockbuster » de ce printemps à Paris. Pour la première fois, le Grand Palais consacre la totalité de ses galeries d’exposition, soit environ 3 700 m2 sur deux niveaux, à une manifestation qui accueille près de 150 artistes. Le résultat est à la hauteur des moyens engagés. Le sous-titre de la manifestation, « Un siècle de lumière et de mouvement dans l’art, 1913-2013 », rend bien compte de la perspective adoptée par les commissaires. C’est fondamentalement une posture historique qui a été retenue, là où un propos plus léger, plus ludique, aurait pu convenir à la nature de nombreuses oeuvres exposées avec lesquelles le visiteur interagit. Même si l’exposition entend s’adresser au plus grand nombre, tant par les moyens mis en œuvre que par la thématique qui peut toucher un vaste public, les œuvres ont été choisies avec soin, et le discours qui les relie est de qualité. Viser une fréquentation importante ne s’accompagne pas nécessairement, c’est heureux, d’une moindre exigence.
Si le titre de la manifestation ne le dit pas, il est ici uniquement question d’art abstrait (et l’exposition est l’une des plus grandes jamais organisées dans le monde sur cette forme d’art), alors même que les thèmes de la lumière et du mouvement auraient pu être également illustrés à travers des œuvres figuratives. On peut voir, dans la présente exposition, la poursuite, à grande échelle, d’une précédente manifestation, marquante, qui avait déjà été organisée par Serge Lemoine, commissaire général de « Dynamo ». Ce n’est sans doute pas un hasard si « Aux origines de l’abstraction » s’arrêtait justement à l’année 1914 quand, précisément, « Dynamo » démarre en 1913 pour s’étendre jusqu’à nos jours.
Centré sur l’art lumino-cinétique, courant inauguré en 1955 avec l’exposition « Le Mouvement » présentée à la galerie Denise René à Paris, mais axé aussi autour de ce qui fut ensuite qualifié d’art « perceptuel » lors de l’exposition « The Responsive Eye » au Museum of Modern Art de New York en 1965, le propos est, ici, considérablement élargi, puisque le champ couvre un siècle et s’étend bien au-delà du courant qui constitue le cœur de la manifestation. Miroirs, néons, cercles, le regard est à la fête, sans cesse sollicité, comme entraîné par nombre d’œuvres exposées. Certaines d’entre elles donnent le vertige, tandis que d’autres agressent les sens, telle Light Corner (2001), de Carsten Höller, composée d’ampoules qui clignotent de façon insupportable sur les murs de la salle dans laquelle on pénètre.
Le visiteur qui attendra des artistes tels Carlos Cruz-Diez ou Julio Le Parc ne sera pas déçu, puisque sont représentés en nombre les grands noms de l’art optique et cinétique. Le célèbre Labyrinthe du G.R.A.V. (Groupe de recherche d’art visuel), créé 1963 pour la Biennale de Paris, est même reconstitué. L’élargissement du propos se lit dès la première œuvre ouvrant le parcours, avec un assemblage de néons blancs verticaux (Voltes III, 2004) de John M. Armleder qui, en s’allumant et s’éteignant de façon successive, produisent une saisissante impression de mouvement.
Dès la deuxième salle, Anish Kapoor apparaît en majesté avec un ensemble de trois magnifiques sculptures concaves dont les tons des surfaces réfléchissantes varient, avec le mouvement, du noir au lie-de-vin en passant par aubergine ou marine (Untitled, 2008). Son Islamic Mirror (2008), plus loin, tout aussi magistral. François Morellet présente plusieurs pièces de très haute tenue, la plus fascinante étant sans doute (Triple X Neonly, 2012), composée de plusieurs plans de fins tubes de néon blanc qui, du fait de leur entrecroisement, donnent l’impression d’être incurvés. Il faut se déplacer autour de l’œuvre pour en apprécier pleinement toute la géométrie et la subtilité.
Ann Veronica Janssens n’est pas en reste avec, en particulier, un environnement dans lequel le visiteur, évoluant dans une dense fumée de paraffine, fait la troublante expérience d’une immersion au cœur de la couleur, jaune et bleue (Daylight blue, Skyblue medium, yellow, 2011). Cela restera un grand moment de la visite, comme la rencontre avec une sourde couleur rouge qui émerge au fond d’une pièce plongée dans l’obscurité par James Turrell (Cherry, 1998). Si toutes ces pièces, parmi les plus spectaculaires, rythment le cours de l’exposition, il faut rendre gré à ses commissaires d’avoir accordé une belle place à la peinture, ce qui, parfois, allait moins de soi, mais le propos convainc. Bien qu’il ne soit pas toujours considéré à sa juste valeur, à cause de la production sans doute trop abondante et stéréotypée de ses dernières années, Victor Vasarely est bien représenté dans l’exposition. Bridget Riley est représentée par 3 œuvres dont une magnifique (Fall, 1963).
Peu de manques criants dans l’exposition, si ce n’est celui, parmi les artistes les plus contemporains, d’Olafur Eliasson, dont l’œuvre correspondait parfaitement au thème. Selon nos informations, l’artiste aurait refusé d’être associé à la manifestation. On pourra – en partie – se consoler avec la présence de Jeppe Hein, qui fut son assistant et dont l’œuvre est également très consistant, notamment avec la pièce composée de deux miroirs assemblés à angle droit et fixée sur un socle rotatif (360o Illusion II, 2007). On aurait également aimé se plonger dans les environnements lumineux dont Lucio Fontana fut l’un des pionniers. Ses somptueux plafonniers constitués de longs tubes de néon blanc s'enroulant sur eux-mêmes en dessinant des volutes inspirèrent bien des artistes présents dans l’exposition dont certains lui rendirent explicitement hommage. Car l’œuvre de l’artiste italien va bien au-delà de ses tableaux incisés auxquels le marché le réduit trop souvent et il aurait trouvé ici toute sa place. On aurait également aimé que la sculpture de Lygia Clark, Bicho (1969), figurant dans la section « tactile », soit accompagnée d’une réplique manipulable et transformable par les visiteurs au lieu que l’œuvre originale présentée sous vitrine soit complétée par une vidéo illustrant ses transformations possibles.
Malgré ces réserves, il convient de se réjouir que Paris, qui a vu émerger l’art optique et cinétique dans lequel se sont illustrés des artistes venus du monde entier, soit en mesure de présenter pareille exposition. Depuis son annonce, celle-ci n’a pas manqué de susciter de nombreuses manifestations dans la capitale qui permettent aujourd’hui de reconsidérer tout un versant de la création contemporaine. Outre cet effet d’entraînement bienvenu, il n’est pas à douter que « Dynamo » saura attirer de nombreux visiteurs, notamment étrangers, et qu’elle fera date, tant par la qualité des œuvres remarquablement présentées que par la rigueur de son propos.
Commissaire général : Serge Lemoine
Commissaire : Matthieu Poirier
Commissaires associées : Domitille d’Orgeval et Marianne Le Pommeré
Scénographe : Véronique Dollfus
Jusqu’au 22 juillet, Galeries nationales du Grand Palais, entrée Champs-Élysées, square Jean-Perrin, avenue du Général-Eisenhower, 75008 Paris, tlj sauf mardi 10h-20h, le mercredi jusqu’à 22h, fermé le 1er mai, le 14 juillet 14h-20h, le 30 mai 10h-17h, www.grandpalais.fr. Catalogue, 368 p., 45 €.
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Serge Lemoine dynamise le Grand Palais
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Légende Photo :
François Morellet - Triple X neonly (2012) - Dynamo - Grand Palais - Photo Clara Lévy / Courtesy François Morellet et kamel mennour