Statu quo autour du sort de mur de Berlin

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 22 mars 2013 - 700 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [22.03.13] - Un compromis sur le sort de la East Side Gallery semblait avoir été trouvé entre le Sénat de Berlin et le promoteur immobilier. Mais le projet a été massivement rejeté par la mairie d’arrondissement.

Depuis le 28 février dernier règne la confusion autour du sort d’une des dernières parties restantes du mur de Berlin. La East Side Gallery, longue de 1,3 km, devait être percée sur une longueur de près de 25 mètres, pour permettre l’accès à un pont qui va être prochainement reconstruit. Mais selon les opposants au projet, l’ouverture profiterait avant tout à un projet immobilier prévu entre le mur et la rivière Spree, dans l’ancien couloir de la mort où plusieurs personnes avaient péri du temps de la RDA.

Cette partie du mur avait été peinte par des artistes du monde entier dans les années 1990 et est vantée comme la plus grande galerie d’art à ciel ouvert. A la veille du début des travaux, les artistes du mur, qui n’avaient pas été prévenus, s’étaient mobilisés en urgence et avaient réussi à obtenir un arrêt provisoire des travaux pendant 72 heures. Le promoteur immobilier, Maik Uwe Hinkel, avait déclaré un moratoire sur les travaux jusqu’au 18 mars, date à laquelle un forum urbain devait se tenir avec tous les acteurs concernés.

La polémique est symptomatique des problèmes qui agitent la capitale à deux niveaux. Tout d’abord, afin de reconstruire un pont détruit par les nazis en 1945, la ville prévoyait de détruire une partie du mur, pourtant patrimoine classé monument historique. Par ailleurs, la polémique montre le manque de coordination entre les différentes entités de la ville.

Dans cette affaire, chacun se renvoie la balle. Le maire d’arrondissement, Franz Schulz, du parti des Verts, affirme être opposé au projet de construction immobilier mais avoir été obligé de délivrer un permis de construire, puisque le promoteur est propriétaire du terrain. Il dénonce le manque de vision du Sénat, c’est-à-dire la mairie du Land de Berlin, qui aurait dû racheter dans les années 1990 les terrains au bord de la Spree. Le promoteur immobilier a quant à lui refusé de jouer les boucs émissaires : la percée de vingt-cinq mètres du mur ne bénéficiait en rien à son projet mais était prévu uniquement pour donner un accès au pont piéton. Il s’était déclaré prêt à négocier, voire à abandonner le projet, dont les appartements sont déjà vendus, en échange d’une indemnisation. Enfin, le maire de Berlin, Klaus Wowereit, qui est déjà en difficultés sur plusieurs autres dossiers, est intervenu après trois jours de polémiques et une manifestation organisée au pied levé qui a mobilisé près de 6000 participants. Il a déploré que le maire d’arrondissement ait délivré un permis de construire sans concertation préalable avec le Sénat.

Un compromis semblait avoir été trouvé entre Klaus Wowereit et le promoteur immobilier. Le projet de percement du mur sur vingt-cinq mètres serait abandonné. Toutefois, le programme immobilier pourrait être réalisé comme prévu. Pour permettre un accès à une voie d’urgence jusqu’au bâtiment, un trou déjà existant de 5 mètres dans la East Side Gallery serait agrandi de quelques mètres. Un projet a été présenté en ce sens hier, mercredi 20 mars, à la mairie d’arrondissement. Selon le quotidien Die Welt, le permis de construire a été massivement rejeté.

En attendant, la mobilisation se poursuit, avec un soutien inattendu : l’acteur américain David Hasselhoff est venu en renfort d’une manifestation organisée devant la East Side Gallery à la veille du forum urbain du 18 mars. En 1989, il avait chanté sur le mur sa chanson « Looking for freedom » (à la recherche de la liberté). « Ce dernier morceau du mur est sacré », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, « c’est le dernier mémorial aux personnes qui sont mortes à cause du mur. C’est le dernier endroit où les gens peuvent venir et parler, communiquer sur ce qui s’est passé ».

Le promoteur immobilier Hinkel n’a quant à lui pas pu assister au forum urbain du 18 mars, où finalement rien n’avait été décidé, en raison de menaces, dont une menace de mort anonyme mais considérée comme sérieuse, reçues depuis le début de la polémique.

Légende photo

The East Side Gallery, Berlin - © Photo Poul-Werner - 2012 - Licence CC BY 2.0 

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