ZURICH (SUISSE) [15.02.13] – Révélée en septembre 2012 par la Fondation Mona Lisa de Zurich, la « Mona Lisa d’Isleworth », petite sœur supposée de la Joconde, a fait l’objet d’une nouvelle batterie de tests. Le tableau serait bien signé Léonard de Vinci proclame la fondation. Les considérables intérêts économiques en jeu faussent le débat.
Le 27 septembre 2012, la Fondation Mona Lisa, basée à Zurich, présente les conclusions de « plusieurs années de recherche » sur la Mona Lisa d’Isleworth, version méconnue de la Joconde de Léonard de Vinci. Les experts de la fondation démontrent, « preuves historiques et scientifiques » à l’appui, que la peinture est une version antérieure au chef-d’œuvre du Louvre et qu’elle est de la main du maître. Modèle et artiste auraient connu une première confrontation, dix ans plus tôt.
Immédiatement, la polémique enfle entre les partisans de la « jeune Mona Lisa » et ses détracteurs. Divers éléments semblent en effet aller à l’encontre des allégations de la fondation : la Mona Lisa d’Isleworth est sur toile, alors que Léonard peignait généralement sur bois ; la qualité du dessin, notamment du paysage, est bien trop inférieure à celle de la Joconde ; enfin, certains détails de la composition, conformes à ceux de le peinture du Louvre dans son état final, ne sauraient avoir été esquissés avant ou pendant la période de conception d’une Joconde qui a connu bon nombre de transformations.
Mais la Fondation Mona Lisa ne lâche pas le morceau. Dans divers documents publiés sur son site internet, elle dévoile début février 2013 les résultats de nouveaux tests réalisés sur l’œuvre depuis septembre 2012. Y sont brièvement présentées deux études, chacune agrémentée de schémas venus étayer le propos avec hardiesse : une enquête d’un spécialiste de « géométrie sacrée » d’une part, une datation au carbone 14 menée par l’Institut fédéral de technologie de Zurich d’autre part. Ayant longuement étudié la géométrie des œuvres de Léonard de Vinci, notamment à travers l’Homme de Vitruve, Alfonso Rubino affirme que les proportions de la Mona Lisa d’Isleworth sont identiques à celles de la Joconde. Quant à la datation au carbone 14 pratiquée sur le support de toile, elle situe la conception de celui-ci entre 1410 et 1455.
Si l’on se fie à cette dernière étude, se fragilise l’hypothèse avancée par certains experts selon laquelle l’œuvre de Zurich serait une copie du XVIIe siècle. Mais rien ne permet d’affirmer formellement qu’elle ait été exécutée avant la Joconde, que Léonard de Vinci, né en 1452, aurait peint vraisemblablement entre 1503 et 1506. Le fameux portrait jouissait déjà d’une grande notoriété en son temps, et nombre d’artistes sont venus le copier. On a dès lors le sentiment que les conclusions avancées par la Fondation Mona Lisa s’appuient sur des bases peu solides.
L’histoire de l’œuvre par ailleurs laisse perplexe. Elle passe entre de nombreuses mains avant que le docteur Henri Pulitzer l’achète en 1962, et l’enferme dans un coffre d’une banque de Lausanne. Après quatre décennies dans l’oubli, et suite à la mort d’Elizabeth Meyer, épouse de Pulitzer, elle est achetée en 2003 par un consortium international. C’est alors que naît la Fondation Mona Lisa, organisation à but non lucratif basée à Zurich et soutenue par les propriétaires de l’œuvre, qui lui fournissent des droits exclusifs d’exploitation. Son but : étudier et assurer la visibilité de cette « version antérieure de la célèbre Mona Lisa de Léonard de Vinci », en collaboration avec divers acteurs du monde de l’art, historiens, scientifiques et autre experts.
L’actuel vice-président de la fondation, David Feldman, a été PDG et actionnaire majoritaire du Habsburg Feldman Group of Companies de 1987 à 1990, une grande maison de ventes de l’époque. Interrogé sur une éventuelle cession de la Mona Lisa d’Isleworth en septembre 2012, il s’était montré évasif et s’était refusé à toute estimation de l’œuvre. Le montant déboursé par le consortium international en 2003 demeure également un mystère, que Feldman n’a pas souhaité communiquer. Il apparaît cependant sûr de lui dans les documents récemment publiés sur le portrait de Zurich : « Lorsque nous ajoutons ces nouvelles découvertes à la somme des études scientifiques et physiques déjà existantes, je pense que tout le monde y verra la preuve écrasante que Leonard de Vinci en est bien l’auteur ».
L’ambiance autour de la Mona Lisa d’Iselworth est électrique. Tout ce qui touche de près ou de loin à la Joconde comporte un enjeu économique considérable. La valeur d’une version de la Joconde de la main du maître est inestimable. Or il est difficile de juger les diverses copies, versions, interprétations qui surgissent de nulle part, surtout lorsqu’elles sont propriétés privées. Difficile aussi d’évaluer la crédibilité d’un expert, lorsque l’on sait qu’il est susceptible de toucher une commission en cas de vente.
Cependant, toute œuvre attachée au célèbre tableau de Léonard de Vinci comporte un intérêt historique indéniable ; le maître italien laissait passer de longues périodes de gestation avant de mettre définitivement en forme une composition, et les copies sont révélatrices de l’évolution de sa pensée, ou de la perception que d’autres artistes en ont eu à une époque donnée. La Mona Lisa d’Iselworth aura donc forcément son mot à dire, d’une façon ou d’une autre.
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Les propriétaires de la Mona Lisa d’Isleworth persistent dans leur démonstration
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Abonnez-vous dès 1 €« La Monna Lisa d'Isleworth », une version annoncée comme antérieure à la Joconde du Louvre - © Photo The Mona Lisa Foundation - Licence CC BY-ND 3.0