MADRID (ESPAGNE) [13.02.13] – Après un an de recherches et de restauration, le musée du Prado vient de dévoiler une représentation encore inconnue du duc Louis Ier d’Orléans, personnage incontournable de la longue et sanglante fresque de la guerre de 100 ans.
Lundi 11 février 2013, le musée du Prado a présenté au public une peinture sur bois du XVe siècle restaurée, qualifiée « d’unique » par l’institution espagnole non seulement par sa réalisation mais également par sa valeur historique.
Datée des années 1405/1408 cette Agonie dans le jardin est une peinture sur bois de petit format. L’œuvre a été confiée aux spécialistes du Prado en février 2011 par une famille espagnole d’origine française. « Ils ne savaient pas qu’ils possédaient un trésor » confie Pilar Silva, responsable des départements de peinture espagnole et de peinture flamande au musée du Prado. D’emblée, les spécialistes se montrent intéressés par l’œuvre dont le traitement dénote une peinture ancienne et de style français. Un très grand nombre d’œuvres de cette époque ont disparu avec la révolution ce qui fait de cette peinture « un petit joyau d’une grande importance historique » d’après le Prado.
Cependant, si le rendu du Christ en prière et des trois apôtres représentés laissait deviner une production de grande qualité, les experts se sont montrés encore plus intrigués par le coin inférieur gauche - étrangement vide - de la composition. Pourquoi l’artiste aurait-il privilégié une utilisation aussi inégale de l’espace ? Un an plus tard, assistée de la restauratrice Maria Antonia Lopez de Asiain, Pilar Silva pense avoir résolu ce mystère.
En effet, les premiers examens radiographiques réalisés sur l’œuvre ont rapidement mis en évidence la présence de deux autres personnages dans la composition, dissimulés par une couche de peinture marron. Après le patient et méticuleux retrait de la couche de vernis et de cette peinture, les spécialistes sont parvenus à reconstituer la scène originelle. Le premier personnage, posté debout à l’extrémité gauche de l’œuvre s’est révélé être une représentation de Sainte Agnès. Mais c’est le cinquième et dernier personnage qui donne à la peinture toute sa particularité. Agenouillé aux côtés de la sainte, on peut désormais observer un personnage richement vêtu. Au vu de sa position, il s’agit très certainement du donateur ou du commanditaire de l’œuvre.
Après quelques recherches, c’est le motif de feuilles d’orties – encore partiellement doré à l’or – qui décorait le vêtement du commanditaire qui a permis d’identifier le personnage comme étant le duc d’Orléans Louis Ier (1372 - 1407). Contemporain de l’œuvre, ce prince capétien de la branche des Valois avait en effet pour emblème la feuille d’ortie ainsi que le loup. On ne possède que très peu de représentations de ce noble mort à seulement 35 ans et il s’agit du seul portrait connu du duc en peinture sur bois.
Frère du roi Charles VI – dit le fou - Louis d’Orléans a exercé la régence conjointement avec d’autres grands du royaume après que la démence du monarque se soit manifestée. Opposé au duc de Bourgogne Philippe le Hardi, très influent au sein du conseil du roi, Louis d’Orléans prône la reprise des combats contre les anglais (la guerre de 100 ans connaît alors une trêve). Suspecté d’être l’amant de la reine Isabeau de Bavière (sa belle-sœur) et incidemment le véritable géniteur du futur Charles VII, Louis d’Orléans étend considérablement son influence sur le Conseil du roi après la mort de Philippe le Hardi, remplacé par son fils Jean sans Peur. Moins influent que son père et craignant d’être évincé, le nouveau duc de Bourgogne commandite alors le meurtre de son rival. Louis d’Orléans succombera lors d’une embuscade rue Vieille-du-Temple, à Paris. Cet assassinat donnera naissance à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, fragilisant encore le royaume de France, déjà très affaibli par la guerre de 100 ans.
L’identité du commanditaire – associé au style particulier du tableau - a également permis aux spécialistes du Prado de proposer une attribution. La peinture pourrait être l’œuvre de Colart de Laon, « valet de chambre » et peintre attaché à Louis d’Orléans de 1391 à 1407.
Si l’institution n’a pas souhaité communiquer le montant de la transaction, on sait en revanche que le musée du Prado a récemment acquis l’œuvre auprès de la famille espagnole. Agonie dans le jardin avec Louis d’Orléans sera présentée jusqu’au 28 avril au Prado. Afin de revenir sur cette année de recherches – qui fera l’objet d’une publication - l’œuvre y est présentée aux côtés des images obtenues par les examens aux rayons x, ultraviolets et infrarouges qui ont permis d’identifier et de restaurer la peinture française.
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Le Prado dévoile une représentation inédite de Louis Ier d’Orléans
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Abonnez-vous dès 1 €Attribué à Colart de Laon - Agonie dans le jardin avec le donateur Louis d'Orléans (1405-1407/1408) - Peinture sur bois - 56.5 x 42 cm - Photo Musée du Prado - Madrid