Colmar (68)

Rodtchenko en version officielle

Musée Unterlinden - Jusqu’au 2 octobre 2017

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 29 août 2017 - 426 mots

En 1925, Alexander Rodtchenko (1891-1956) participe à l’Exposition internationale des arts décoratifs à Paris.

L’artiste russe a emporté dans ses bagages une collection de ses peintures, affiches, livres… avec le projet d’organiser une exposition personnelle de ses travaux. Une partie de ces œuvres, aujourd’hui conservées au Musée Pouchkine, à Moscou, constitue le noyau de l’exposition que le musée d’État organise au Musée Unterlinden, à Colmar, dans le cadre du partenariat qui lie aujourd’hui les deux institutions. Alexandre Lavrentiev, petit-fils de l’artiste et co-commissaire, pour le Musée Pouchkine, explique que cette dernière « reconstitue, dans une certaine mesure, cette collection, qui comporte les principales “inventions” de Rodtchenko ». « Dans une certaine mesure », en effet, la sélection des œuvres convoyées à Colmar dépassant le cadre chronologique de 1925 pour présenter, entre autres, des dessins de décors et des costumes de théâtre réalisés pour des pièces de Maïakovski en 1929. Regrettable ou bienvenu, ce choix offre l’opportunité de découvrir un aperçu de l’étendue de la création de Rodtchenko, dont on ne connaît bien souvent, en France, que le volet photographique. Composition sans objet, n° 50, rappelle ainsi, dès 1918, quel formidable peintre d’avant-garde fut Rodtchenko et l’un des principaux promoteurs du constructivisme. Tous les ingrédients que l’artiste va décliner dans les arts graphiques et décoratifs sont en place. Le plan, le cercle et la ligne, les aplats de couleurs texturés ou le flottement des formes dans l’espace se retrouvent dans le service à thé que l’artiste dessine en 1925, comme dans ses sculptures géométriques qui inspireront ses projets d’architecture, dont le Club des ouvriers construit pour l’Exposition internationale de 1925. Dessins de vêtements, affiches pour promouvoir des tétines ou des films (à l’instar du Cuirassé Potemkine d’Eisenstein, en 1925), aucun des secteurs de la société nouvelle échappe à l’utopie portée par Rodtchenko. Malheureusement, si l’exposition effleure l’engagement dans « l’idéal révolutionnaire » de l’artiste, elle écarte la violence des débats esthétiques qui fit rage à la révolution soviétique. Rien n’est dit sur la disgrâce dans laquelle Rodtchenko et ses amis tomberont peu à peu dans les années 1920 auprès des autorités, avant de laisser place au Réalisme socialiste ; rien, non plus, sur l’utilisation à des fins de propagande des reportages commandés à Rodtchenko pour glorifier le régime. Aux images des détenus construisant le canal reliant la mer Blanche à la mer Baltique (1933) ont ainsi été préférés les clichés du bonheur intime avec Stepanova, l’épouse bien-aimée. Quant à ce que devient ensuite Rodtchenko jusqu’à sa disparition, en 1956, l’exposition, trop édulcorée par le discours officiel, là encore ne dit rien… Fabien Simode

« Rodtchenko, collection du Musée Pouchkine »,
Musée Unterlinden,place Unterlinden, Colmar (68),www.musee-unterlinden.com
Légende Photo :
Alexander Rodtchenko, Le Cuirassier Potemkine, 1925, Musée d'Etat des beaux-arts Pouckine, Moscou

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°704 du 1 septembre 2017, avec le titre suivant : Rodtchenko en version officielle

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