Après une exposition très remarquée dans une galerie londonienne au mois de février, le peintre anglais David Hockney expose ses « Double-Portraits » à la National Portrait Gallery.
Né à Bradford en Angleterre, David Hockney s’installe à Los Angeles en 1964. Là, dans son atelier spacieux, il s’entoure des couleurs vives qu’il affectionne. La couleur envahit tout, jusqu’au décor de la maison elle-même. Fasciné par le sentiment d’espace qu’il reconnaît dans les paysages de l’Ouest américain, il passe une grande partie de son temps à regarder et peindre cette immensité. Mais, à l’âge de soixante-cinq ans, il semble qu’il envisagerait un retour en Angleterre, où il vient de passer une année entière. Parallèlement à ce changement de vie, David Hockney a entrepris des études sur la méthode des maîtres anciens, et en particulier sur leur utilisation de miroirs et de la camera lucida quatre siècles avant l’invention de l’appareil photo. À la recherche d’une perspective « non photographique » et animé par l’envie de revenir à une « vraie » peinture, l’artiste a entrepris deux séries d’œuvres au cours de l’année 2002. La première, des paysages réalisés principalement en Islande et en Norvège, a été exposée à la galerie Annely Juda à Londres au mois de février dernier. La seconde, des portraits d’amis ou d’artistes, est en partie exposée à la National Portrait Gallery de Londres.
Outre une interprétation inattendue de la perspective, liée à son intérêt pour la peinture traditionnelle chinoise, ces deux séries ont en commun d’être réalisées à l’aquarelle. Se servant de plusieurs feuilles de papier et travaillant assez vite pour capter la lumière, ou la présence des sujets de ses portraits, David Hockney démontre la vitalité et l’originalité de son œuvre. L’assemblage de nombreux éléments, photographiques ou peints, afin de recréer dans ses œuvres le sentiment d’immensité éprouvé devant le Grand Canyon ou dans le désert de l’Ouest américain participe du travail de l’artiste depuis longtemps, mais l’utilisation de l’aquarelle est pour lui un départ technique et esthetique notable. David Hockney a vu trois fois l’exposition « American Sublime » à la Tate Gallery, une manifestation consacrée à des peintures de l’ouest des États-Unis. Quoiqu’attiré par ces visions de paysages grandioses, il restait insatisfait, sans pouvoir pour autant définir la source de l’ennui qu’il ressentait. Jusqu’à ce qu’il réalise que « ce n’était pas de la peinture française ». Par cette boutade, Hockney signifiait que les peintres américains après 1860 étaient directement influencés par la photographie et cherchaient à dissimuler la touche pour rendre l’image plus lisse, plus « réaliste », alors que Manet, Monet et Pissarro empruntaient une autre voie. Au contraire, l’impression de l’artiste, et par conséquent sa touche, était de plus en plus présente. Chez les impressionnistes, David Hockney voit également « une vision non optique » (ou non photographique) du monde, influencée par l’art japonais, donc indirectement par la peinture chinoise.
Hockney aborde depuis longtemps le portrait comme un moyen d’expression, mais toujours avec une attitude moderne. « On fait une fausse distinction entre l'abstraction et la représentation, alors que l'une doit contenir l'autre et qu'il s'agit, en un sens, de la même chose, dit-il. Il m'a fallu très longtemps pour découvrir cette idée pourtant très simple. Le critique Clement Greenberg, récemment décédé, a dit il y a plus de trente ans, “il n'est plus possible pour un artiste d'avant-garde de faire un portrait”. À quoi le peintre Willem de Kooning a répondu, “il n'est pas possible de ne pas faire de portraits”, ce qui me semble être, de loin, la remarque la plus sage des deux. Si Greenberg avait raison, cela voudrait dire qu'il n'y aurait plus que des portraits photographiques. Ce qui serait d'un ennui mortel, car un portrait photographique ne pourra jamais montrer autant qu'un dessin. » Au-delà de ses propres projets, David Hockney s’intéresse aussi à l’évolution de la photographie. « J’ai conclu que la “main” de l’artiste revient à la photographie par le biais de l’ordinateur, dit-il, ce qui m’a fait revenir à la peinture. »
- L’exposition « David Hockney, Painting on Paper » a eu lieu à Annely Juda Fine Art, Londres du 17 janvier au 1er mars 2003. Catalogue disponible : www.annelyjudafineart.co.uk - « Five Double Portraits, New Work by David Hockney » est visible à la National Portrait Gallery de Londres, St Martin’s Place, près de Trafalgar Square jusqu’au 29 juin. Voir aussi le site http://davidhockney.online.fr/
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Retour aux origines