Cinéma - La « sérendipité » n’est pas tout à fait le hasard. Plutôt un concours de circonstances, un accident qui nous amène à trouver ce que l’on ne cherchait pas.
Ainsi Prune Nourry prévoyait-elle de tourner le making of d’un projet monumental : la construction d’une armée de jeunes filles, sur le modèle des soldats de terre de l’empereur chinois Qin Shi Huangdi. Quand le cancer s’est glissé dans sa vie, Serendipity est devenu un autre film. Journal d’une maladie, chronique d’une guérison, Serendipity est aussi un flash-back sur le travail de la sculptrice. En quelques années, Prune Nourry a en effet accumulé une archive vidéo importante. Certains films sont issus de recherches documentaires. D’autres étaient destinés, explique-t-elle, à « fixer l’éphémère », à garder la trace d’œuvres vouées à disparaître. Ces films épars, pareils aux pages d’un carnet de croquis, ont fini par prendre la forme d’un long métrage de cinéma. Œuvre de combat, Serendipity file, comme sur un hippodrome, tête baissée : un lit avance dans un couloir d’hôpital, une statue mystique traverse des rues indiennes, un train pourfend une plaine chinoise… Enfin, dressée sur une barge, une amazone remonte l’East River, telle une glorieuse figure de proue. Prune Nourry se rattache au genre de l’autobiographie filmée, à cette idée poétique de « caméra stylo ». Son Serendipityévoque ainsi les travaux d’Alain Cavalier et surtout ceux d’Agnès Varda. Déesse de cinéma bienveillante, la grande dame de la Nouvelle Vague ressuscite le temps d’une séquence. Elle porte bien sûr le souvenir de Cléo de 5 à 7 (1962), autre portrait de jeune femme atteinte d’un cancer. Au cours de sa longue errance parisienne, Cléo visitait d’ailleurs un atelier de sculpture, pour regarder son amie modèle offrir son corps à l’inspiration des artistes. Plus que de la maladie, Serendipity nous parle justement du regard, du corps et de l’artiste. Prune Nourry assure se sentir plus à l’aise dans l’ombre de son atelier de Brooklyn que devant la caméra. Cela ne se voit pas. À la fin du film, elle se met en scène chez le chirurgien chargé de reconstruire sa poitrine. Soudain, l’ordre des choses s’inverse : la sculptrice devient scrutée. Puis sculptée. On dit d’un malade qu’il est « pris en charge ». En réalisant ce film, Prune Nourry s’est « prise en main ». Elle travaille aussi bien le bois que le Plexiglass, mais préfère la terre cuite pour son aspect naturel et « brutal ». Serendipity est un autoportrait de pixels.
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Prune de 5 à 7
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°728 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : Prune de 5 à 7