PARIS [23.07.15] - Une première version du texte, datant de début juillet, a été dévoilée en attendant la version définitive d’ici à la fin de l’été. Liberté de panorama non commerciale et domaine public informationnel sont inscrits dans l’avant-projet de loi.
Exception au droit d’auteur prévue par la directive européenne de 2001, la liberté de panorama pourrait faire l’objet d’une première consécration légale en France, après deux tentatives avortées en 2006 et en 2011. Annoncée par Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique, lors de son audition à l’Assemblée nationale le 18 mars dernier par la commission numérique, cette exception permet de reproduire ou de représenter des œuvres de l’esprit visibles dans l’espace public sans l’autorisation des auteurs ou de leurs ayants droit et sans contrepartie monétaire. La crainte qu’avait suscitée l’annonce de cette nouvelle exception chez les ayants droit et les sociétés de gestion collective devrait désormais s’estomper.
Aux termes de l’article 40 du texte actuel, l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle se verrait ainsi doté d’un dixième alinéa, disposant que « les reproductions et représentations, intégrales ou partielles, à l’exclusion de toute finalité commerciale, d’œuvres architecturales ou de sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics ». A l’image de l’Allemagne et de l’Espagne, l’exception couvre donc tant les œuvres architecturales que les sculptures. Toutefois, l’usage qui pourrait être fait de l’utilisation de ces œuvres exclut toute finalité commerciale, critère à la fois large et rassurant. Rassurant pour les ayants droit qui ne pourront voir leurs œuvres utilisées sous forme de cartes postales, par exemple, ou autres produits dérivés. Large, car le critère de la commercialité répond à une certaine souplesse qui donnera assurément lieu à contentieux et à précision. Le champ d’application de l’exception exclut enfin toute œuvre qui se trouverait de manière temporaire dans l’espace public. Cette restriction constitue une nouvelle concession au profit des ayants droit mais devrait susciter un véritable casse-tête pour tout amateur qui s’interrogerait sur l’intangibilité ou non de l’œuvre dans l’espace public. En ce sens, l’exception qui viendrait à être créée ne pourrait constituer que la simple reconnaissance par la loi d’une tolérance déjà pratiquée par les auteurs vis-à-vis des reproductions de leurs œuvres sur les réseaux sociaux notamment.
Le texte envisage également, en son article 27 bis, de créer un « domaine public informationnel ». Ce dernier serait notamment composé des « informations, données, faits, idées, principes et découvertes, dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une divulgation publique » et des « objets qui ne sont pas couverts par les droits prévus dans le Code de la propriété intellectuelle ou dont la durée de protection légale a expiré ». La première catégorie renvoie à la célèbre maxime de Desbois, inspirée elle-même de la pensée de Pouillet, autre grand nom du droit de la propriété intellectuelle, selon laquelle les idées sont de libre parcours. A lire le texte, toute information ou toute idée – termes non définis – pourrait donc faire l’objet d’une réservation dès lors qu’elle n’est pas rendue publique. En outre, l’inclusion dans ce domaine public informationnel des œuvres de l’esprit pour lesquelles les droits patrimoniaux se seraient éteints 70 ans après le décès de leurs auteurs demeure critiquable en raison de la survivance du droit moral par essence perpétuel et imprescriptible. Qualifiant les objets qui composent le domaine public informationnel de choses communes, au sens de l’article 714 du Code civil, le texte prête donc le flanc au regard des prérogatives morales des auteurs et de leurs ayants droit.
Enfin, le texte consacre la pratique des licenses Creative Commons en prévoyant que « le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle peut décider, par une manifestation expresse, non équivoque et publique de volonté, que l’objet protégé par ce droit entre dans le domaine public informationnel avant le terme de sa protection ». Ce même titulaire pourra également décider de « limiter l’étendue de sa renonciation à l’exercice de certaines de ses prérogatives ».
Ces derniers jours, Axelle Lemaire et Emmanuel Macron ont tous deux confirmé qu’un second projet de loi sur le numérique, ayant comme fil rouge l’innovation, serait à l’étude. Le présent projet de loi devrait être soumis au Conseil des ministres en septembre, malgré un calendrier parlementaire fort chargé qui doit déjà permettre l’étude du projet de loi sur la liberté de création.
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Premières esquisses du projet de loi numérique
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Abonnez-vous dès 1 €Vue Panoramique de Londres © Photo Piotr Zarobkiewicz - 2006 - Licence CC BY-SA 3.0