Picasso, génie normand méconnu

Démonstration en est faite au Musée des beaux-arts de Rouen, qui aborde pour la toute première fois un pan décisif de sa carrière : sa parenthèse normande. À partir de 1930, Picasso réside et travaille dans la région, au château qu’il achète à Boisgeloup, près de Gisors. Étonnamment, aucune exposition, ni ouvrage de référence n’avait sondé cette période ardemment créative et riche en bouleversements esthétiques. Car Boisgeloup abrita son premier atelier de sculpture, et fut également le théâtre d’une véritable révolution sexuelle et picturale chez l’Espagnol, qui retrouve une verdeur et une fougue un peu taries par le retour à l’ordre et son mariage avec Olga. Au contact de sa jeune maîtresse, Marie-Thérèse Walter, Pablo développe un nouveau style à l’érotisme bestial. Les innovations plastiques radicales, notamment ses emblématiques dévorations amoureuses, cohabitent alors avec un imaginaire mythologique réactivé autour des thèmes de la métamorphose et du Minotaure. Grâce à de beaux prêts et à un découpage clair, le parcours retrace avec brio cet épisode normand. On peut seulement lui reprocher son excès de « picassolâtrie ». Il comprend en effet trop de documents anecdotiques, comme un déguisement de son fils Paul ou le plan d’une hypothétique piscine, qui relèvent davantage du fétichisme que de l’histoire de l’art.