PARIS
Dans l’optique de restaurer la cathédrale en cinq ans, le projet de loi sur la cathédrale Notre-Dame de Paris ouvre la possibilité de déroger à certaines règles. Une partie de la profession proteste.
Paris. À un incendie exceptionnel par l’ampleur de l’émotion et de la mobilisation qu’il a engendrées, le gouvernement a répondu par une loi d’exception. Le 24 avril, après adoption en conseil des ministres, un texte relatif à la restauration de Notre-Dame a été déposé. Il prévoit l’ouverture d’une souscription nationale placée sous la haute autorité du président de la République pour recueillir les dons et la création d’un établissement public afin d’encadrer les travaux.
Le gouvernement aurait pu s’appuyer sur des structures existantes (tels la Fondation du patrimoine ou le Centre des monuments nationaux), mais Notre-Dame n’est pas un chantier comme les autres et la cathédrale mérite un traitement à part. C’est en tout cas ce que semble indiquer ce projet de loi. Il est vrai que le « cas Notre-Dame » ne figure pas exactement dans la norme, eu égard à l’importance inédite des dons et des promesses de dons qu’il a suscités (lire ci-dessus) et la diversité des donateurs qui se sont manifestés – diversité que le projet de loi entend encourager.
Ainsi, l’article 4 du projet de loi dissipe une zone de flou en autorisant sans ambiguïté les collectivités territoriales à participer au financement de la restauration de Notre-Dame, même s’il ne s’agit pas d’une action d’intérêt public local à proprement parler. L’article 5 prévoit en outre, pour les petits dons (moins de 1 000 euros) venant de particuliers, d’élever la déduction fiscale d’un versement pour Notre-Dame au niveau de celle qui peut intervenir dans le cas de dons à des organismes d’aide à des personnes en difficulté (75 %). Cela afin que chacun puisse aider à la restauration de Notre-Dame tout en conservant la possibilité financière de contribuer à d’autres collectes nationales (pour des associations caritatives par exemple).
La cagnotte étant importante, l’article 7 prévoit la création d’un comité adossé à la Cour des comptes et destiné à contrôler l’utilisation des dons qui doivent – le projet de loi le stipule – servir à financer le chantier de Notre-Dame, « et pas autre chose […] même si les dons dépassent le coût du chantier», comme l’a affirmé le ministre de la Culture, Franck Riester, dans les colonnes du Parisien daté du 1er mai.
Si le chantier de Notre-Dame fait l’objet d’une loi d’exception, c’est aussi en raison d’un calendrier très ambitieux fixé par le président de la République : cinq ans pour restaurer la cathédrale. Afin de respecter cette échéance, l’article 9 prévoit que le gouvernement puisse, par ordonnance, prendre des mesures dérogatoires en matière d’urbanisme, d’environnement, de construction et de préservation du patrimoine.
Sortant de leur devoir de réserve, quelque 1 170 professionnels du patrimoine (conservateurs de musées nationaux ou territoriaux, conservateurs régionaux des monuments historiques, architectes des Bâtiments de France…) se sont émus dans une tribune publiée le 28 avril dans Le Figaro de cet « affichage d’efficacité » qui pourrait mettre à mal la déontologie en matière de restauration. Dans Le Parisien, le ministre de la Culture s’est voulu rassurant, évoquant un éventuel « assouplissement de certaines règles » afin, « uniquement », de « gagner du temps sur les démarches administratives ». Ainsi de la possibilité, précise-t-il, de confier directement à l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) des fouilles archéologiques éventuelles au lieu de se plier à la mise en concurrence de différentes entreprises agréées. Mais dans l’état, le projet de loi entretient le doute et ne délimite pas véritablement les types de dérogations qui pourraient s’appliquer.
Adopté en commission par les députés, le projet, qui n’a cependant pas fait l’unanimité, devait être discuté en séance publique le 10 mai à l’Assemblée nationale avant d’être présenté au Sénat.
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Une loi d’exception controversée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°523 du 10 mai 2019, avec le titre suivant : Une loi d’exception controversée