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Découverte

Un été en Corse

Rénovation, restauration et expositions : les musées de l’île de beauté, et notamment l’exceptionnel Palais Fesch, rouvrent sous leur meilleur jour.

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 6 juillet 2010 - 1098 mots

CORSE

Les musées de l’île se sont refait une beauté pour la saison estivale. Entièrement rénovés, le Musée de Bastia et le Palais Fesch d’Ajaccio viennent d’inaugurer leurs nouveaux espaces. Le public pourra aussi découvrir, à Corte, un parcours sur les confréries, tandis qu’au cap Corse, Parmiggiani a été invité par le Fonds régional d’art contemporain à concevoir une œuvre démesurée.

CORSE - De Bastia à Ajaccio, en passant par Corte, les musées corses créent l’événement en ce début d’été en inaugurant leurs nouveaux espaces et en proposant aux publics de nombreuses expositions. Réputé pour sa collection de peintures italiennes – la deuxième plus importante en France après celle du Louvre –, le Palais Fesch, Musée des beaux-arts d’Ajaccio a ouvert ses portes après deux années de fermeture pour des travaux de mise aux normes, et en particulier l’installation de la climatisation. L’opération a commencé en sous-sol avec le réaménagement des réserves, tandis que Philippe Costamagna, le directeur du musée, et ses équipes repensaient entièrement le parcours muséographique. Pendant la fermeture, les tableaux les plus prestigieux ont voyagé dans le monde entier, afin de récolter les fonds qui manquaient à l’institution.

La nouvelle muséographie permet d’exposer 430 œuvres, contre 300 par le passé, tandis que les dessins pourront être dévoilés par roulement grâce à la création d’un cabinet d’art graphique au sous-sol. Constituée grâce au legs du cardinal Fesch, oncle maternel de Napoléon Bonaparte qui céda près d’un millier de tableaux, portraits de la famille impériale et objets d’art, la collection du musée s’est enrichie au fil du temps de dons, legs, achats et dépôts de l’État. Dernièrement, le Palais Fesch s’est concentré sur l’élaboration d’un fonds de peintures corses. De qualité inégale, ces œuvres figurant l’île, ou exécutées par des artistes corses, sont présentées aujourd’hui en sous-sol, en fin de parcours. Les chefs-d’œuvre de la collection se trouvent, eux, aux étages supérieurs. La visite démarre désormais au deuxième étage, avec les Primitifs italiens et artistes de la Renaissance, tels Bellini, Botticelli ou Véronèse, puis se poursuit au premier niveau où ont été réunis les tableaux des XVIIe et XVIIIe siècles. « Nous voulions restituer au public l’esprit de cette collection romaine et lui montrer le principe des grandes galeries italiennes », explique Philippe Costamagna. Ainsi, la galerie du deuxième étage réunit quantité de natures mortes italiennes, tandis que celle du premier, la galerie Cardinal, est constituée d’un accrochage anarchique, surchargé, selon un véritable mélange des genres.

Découvertes et réattributions
La fermeture du musée s’est accompagnée d’une grande campagne de restaurations, pour une enveloppe globale de 500 000 euros, financée par la Ville, la Communauté territoriale de Corse (CTC) et du mécénat, donnant lieu à des découvertes et réattributions. Citons la réattribution d’un Saint Jérôme au Cavalier d’Arpin ou celle d’un Saint Jean-Baptiste à la source à Ludovico Carracci, ainsi qu’une Annonciation de Pomarancio, une Adoration des Rois mages de Jacopo Alessandro et une Tête d’apôtre de Nicolas Tournier, sortis des réserves. Pour son inauguration, le musée a organisé trois manifestations, à commencer par une exposition-dossier autour d’un de ses fleurons, L’Homme au gant de Titien. L’attribution de ce tableau, déposé par le Louvre à Ajaccio en 1956, a été confirmée lors de sa restauration récente par le Centre de recherche et de restauration des Musées de France. L’œuvre est ici confrontée à la version bien connue du Louvre et à cinq autres portraits du maître, comme Le Jeune Anglais conservé à Florence. Le cabinet d’art graphique réunit quant à lui une sélection de dessins florentins au temps de Michel-Ange, prêtée par l’École nationale supérieure des beaux-arts, à Paris. Au rez-de-chaussée, désormais entièrement occupé par le département napoléonien, l’exposition sur Lucien Bonaparte (1775-1840) s’impose comme une évidence. Frère de l’empereur Napoléon et neveu du cardinal Fesch, passionné d’archéologie et de peinture, c’est lui qui est à l’origine du musée. À peine achevé ce nouveau parcours, les équipes planchent sur les sujets des prochains événements : Florence au grand siècle en 2011, et les Primitifs en 2012, avec la participation de Michel Laclotte, ancien président du Louvre. Autant d’initiatives par lesquelles le Palais Fesch espère doubler sa fréquentation pour atteindre les 100 000 visiteurs annuels.

Autre établissement à avoir fait l’objet d’une vaste opération de rénovation, le Musée de Bastia est à nouveau accessible au public après onze années de fermeture. Conçu comme un musée des arts et traditions populaires corses, il avait souffert de l’ouverture, en 1997, du Musée de la Corse à Corte, dont la concurrence l’avait obligé à revoir totalement son propos. Le Musée de Bastia, installé dans le palais des gouverneurs de Bastia, se consacre désormais à l’histoire de la ville selon trois grandes thématiques : le développement urbain ; l’économie, la vie politique et leurs élites ; et, enfin, Bastia en temps que foyer intellectuel et culturel. Outre la réhabilitation du monument historique, le lieu est désormais doté d’un nouveau hall d’accueil avec une librairie-boutique, d’ateliers pédagogiques, de réserves dignes de ce nom, d’un centre de documentation et de salles d’expositions temporaires. Celles-ci présentent actuellement une exposition sur les représentations de la ville de 1770 à 1939. L’occasion pour le musée de dévoiler une partie de son fonds d’art graphique et photographique.
Très sollicité par le public en raison de ses collections tournées vers l’identité corse, le musée de Corte, ou Musée régional d’anthropologie, s’intéresse cet été à l’organisation des confréries de Corse. Objets et œuvres d’art évoquent ce mouvement confraternel qui s’est développé en Méditerranée avec ses obligations morales et sociales. Le musée est le seul à dépendre directement de la CTC, qui, conformément à ses compétences en matière culturelle, mène par ailleurs une action de fédération, de mise en valeur et de développement des musées de Corse dans une optique à la fois patrimoniale, éducative et touristique.

Le « naufrage » de Parmiggiani

Depuis près de quinze ans, le FRAC (Fonds régional d’art contemporain) Corse organise des expositions dans l’église du couvent de Morsiglia (cap Corse). Dix ans après l’œuvre qu’il avait réalisée sur le Monte d’Oro, l’artiste Claudio Parmiggiani réitère son expérience corse avec un Naufrage avec spectateur présenté par le FRAC Corse à Morsiglia. Cette œuvre spectaculaire, à la mesure des montagnes ou de la mer environnante, est installée jusqu’au début du mois d’octobre dans la longue nef de l’église. Éventrée, découvrant ainsi sa structure interne, cette grande barque a pu être réalisée grâce à la participation d’artistes, entrepreneurs, charpentiers maritimes et artisans de Corse et de Sardaigne, réunis sous la houlette de la Communauté territoriale de Corse.
Rens. FRAC Corse, La Citadelle, 20250 Corte, tél. 04 95 46 22 18

TITIEN, L’ÉTRANGE HOMME AU GANT/LUCIEN BONAPARTE, UN HOMME LIBRE/LE DESSIN À FLORENCE AU TEMPS DE MICHEL-ANGE
jusqu’au 27 septembre, Palais Fesch, 50-52, rue Cardinal-Fesch, 20000 Ajaccio, tél. 04 95 21 48 17, www.musee-fesch.com, tlj sauf mardi et dimanche 10h30-18h, samedi 14h-20h30. Catalogues, Lucien Bonaparte, 344 p., 35 euros et Titien, 136 p., 22 euros

VISIONI DI BASTIA
jusqu’au 30 septembre, Musée de Bastia, place du Donjon, La Citadelle, 20200 Bastia, tél. 04 95 31 09 12, www.musee-bastia.com, tlj sauf lundi 10h-19h30

LES CONFRÉRIES DE CORSE
jusqu’au 30 décembre, Musée de la Corse, La Citadelle, 20250 Corte, tél. 04 95 45 25 45, www.musee-corse.com, tlj sauf dimanche et lundi 10h-20h

PALAIS Fesch
- Coût des travaux : 7 millions d’euros
- Architectes : Dominique Battesti et Paul Marcellesi
- Directeur : Philippe Costamagna

Musée de Bastia
- Coût des travaux : 13 millions d’euros pour le monument historique et 1,8 million d’euros pour la muséographie
- Architectes : Daniel Cléris et Jean-Michel Daubourg
- Directrice : Élisabeth Cornetto

Musée de la Corse
- Directeur : Jean-Marc Olivesi

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°329 du 9 juillet 2010, avec le titre suivant : Un été en Corse

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