Château - Musée

Rochechouart (87)

Un château d’art contemporain

Par Alexis Jakubowicz · L'ŒIL

Le 19 novembre 2013 - 436 mots

Il faut en passer par Saint-Junien, qui baigne dans la Vienne extirpée du Massif central, au pied des monts de Blond.

Ses rives, exemptes de calcaire, ont fait la fortune des mégissiers qui tannent depuis des lustres la limousine comme un gant. Ici, chaque patelin a ses honneurs. L’un peut-être plus haut fait un papier de la plus riche qualité ; un autre encore une porcelaine plus fine qu’à Limoges. Dans celui-ci dit-on, les menuisiers, sculpteurs et charpentiers sont si agiles avec le châtaigner qu’ils parlent, en plus de la langue d’oc, une véritable langue de bois. C’est vrai qu’ils sont plaisants tous ces petits villages, tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités, qui comme Rochechouart, fascé ondé d’argent et de gueules de six pièces, devise la France au passé, au présent, au futur, avec un musée-fort et château d’art contemporain. Passé le pont-levis construit en mille quelque chose, le châtelet d’entrée et le donjon, les remparts baissent la garde pour se rincer la pierre sur la nature déshabillée en contrebas.

C’est là qu’un arbre a entrepris, sur les galants conseils en bronze de Giuseppe Penone, une belle torsadée volée aux colonnades des galeries de la cour. Pendant un millénaire ont régné sur Rechoard des vicomtes, qui comme partout ailleurs, après s’être agrippés à leur puissant caillou, l’ont vendu à la chose publique. Depuis l’An Trois de la décentralisation, le département y nomme un autre type de châtelains, certains formés au Louvre, en rien conservateurs, sinon de métier. Ainsi dans la salle d’Hercule, ornée au XVIe siècle d’un camaïeu grisé relatant les plus fameuses péripéties de la mythologie, Guy Tosatto a couché ad vitam æternam un Richard Long de 20 m en calcaire. Tout à côté, sur les murs de la salle des chasses où les seigneurs de Rochechouart vont giboyer du cerf – avec un « c » n’est-ce pas – au clairon, Jean-Marc Prévost a eu très tôt placé L’homme qui porte sa tête dans ses bras de Stephan Balkenhol. Sans doute avait-il vu dans cette chambre avec vue sur la grosse tour au lion, l’homme à la langue coupée qui gît dans une peinture craquelée derrière la porte en bois. En 2012, Annabelle Ténèze, enfant de la région passée des Chartes à Picasso (filiale parisienne), récupère la charge d’Olivier Michelon. Cet automne, la jeune directrice offre à Carolee Schneemann sa première exposition française : « Œuvres d’histoire ». L’Américaine, à l’évidence, ne pouvait rêver mieux qu’un château fort pour démonter cinquante ans de tragédie contemporaine. 

Où ?
Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart, place du Château, (87) Rochechouart

Comment ?
www.musee-rochechouart.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : Un château d’art contemporain

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