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Trente ans après son ouverture, le Mamco va fermer pour travaux

GENÈVE / SUISSE

Musée avant-gardiste à sa création, le Mamco s’est progressivement adapté à l’air du temps. Il rouvrira dans quatre ans, dans le BAC, un complexe dévolu à l’art contemporain.

Le MAMCO, Musée d'art moderne et contemporain de Genève. © Ilmari Kalkkinen
Le MAMCO, le Musée d'art moderne et contemporain de Genève.
© Ilmari Kalkkinen

Genève (Suisse). C’est la naissance d’« un musée pour la Suisse romande » que Le Journal des Arts annonçait il y a près de trente ans, dans son édition du 1er septembre 1994. Et pas n’importe lequel. « Prévu de longue date, le Musée d’art moderne et contemporain [Mamco] devrait pouvoir, dans l’esprit de ses promoteurs, rivaliser avec les institutions des villes alémaniques comme Bâle, Berne et Zurich. » C’était une institution pensée par un groupe d’amateurs d’art contemporain genevois regroupés en fondation depuis 1991 auquel la Ville donnait la possibilité de s’installer dans une ancienne usine de la société genevoise des instruments de physique (SIP) dans le quartier de Plainpalais. « Nous avons inauguré ce musée dans une situation budgétaire particulièrement contrainte, sans subventions publiques, sans garantie au-delà de trois ans et sans collection propre », se remémore aujourd’hui Christian Bernard, son fondateur et directeur jusqu’en 2015. « Il a fallu convaincre les mécènes de poursuivre et parvenir, dix ans plus tard, à associer la Ville et le Canton dans une fondation de droit public pérennisant plus ou moins les ressources. Il a fallu construire et fidéliser un public autour de cet objet modeste, à l’écart des pratiques muséales en cours. »

Dès le départ, le Mamco se pare d’une dimension expérimentale et offre un modèle d’institution muséale sans comparaison dans l’espace suisse. « Au nombre de ses particularités, il faut compter la conception du musée comme système d’expositions communiquant entre elles et non comme exhibition canonique de “trophées”, l’accent mis sur le renouvellement presque complet de l’offre trois fois par an, le processus réflexif sur les formes de l’exposition, le refus de séparer le permanent du temporaire, la “déhiérachisation” et la “désemphatisation” des œuvres, l’importance des ensembles monographiques permanents », énumère Christian Bernard.

Fer de lance de la promotion de l’art contemporain

Pour Lionel Bovier, à la tête du lieu depuis 2015, l’esprit des débuts – comme le focus sur l’art des décennies 1970-1990 – perdure toujours : « Le principe d’exposition globale et certains traits de la singularité du Mamco étaient en héritage du projet que Christian Bernard avait conçu. » Là où néanmoins le Mamco des débuts refusait le « fétichisme des acquisitions », comme le formule Christian Bernard, le Mamco a étoffé sa collection, passant de 2 500 pièces à 6 000 aujourd’hui. « Le plus grand changement porte sur la collection, à la fois dans la visibilité que je souhaitais lui donner, le volume qu’elle a pris et les concepts sur lesquels repose son développement », explique Lionel Bovier.

Christian Bernard fait une lecture différente et quelque peu critique de la mue progressive du lieu visible, selon lui, jusque dans l’écriture même du nom du lieu, passé de la minuscule aux majuscules : « Le Mamco est le nom d’une aventure qui a duré de 1994 et 2015. Le “Mamco” qui a suivi me semble s’être rapproché des standards actuels pour devenir une entreprise plus convenue qui paraît s’être employée à effacer la mémoire des orientations antérieures. Je me réjouis cependant de voir valorisées dans des présentations spécifiques beaucoup d’œuvres acquises avant 2015. »

Autrefois, plateforme majeure et pionnière de l’art contemporain à Genève, le Mamco est aujourd’hui une parmi plusieurs institutions qui le promeut dans la ville. Ces différentes institutions concurrencent-elles le Mamco ? L’identité du lieu se serait-elle diluée ? Pour Lionel Bovier au contraire, « le fait que des structures du paysage culturel genevois aussi diverses que le MICR (Musée international de la Croix-Rouge), le MAH (Musée d’art et d’histoire) ou le Grand Théâtre s’intéressent aujourd’hui à l’art contemporain, même si ce fait tient d’abord à la personnalité de leurs directeurs, renforce la pertinence de notre positionnement et de notre travail plutôt qu’il ne les questionne : c’est en effet la preuve que le Mamco a infusé dans la société genevoise ».

Création d’un complexe culturel

C’est au sein du BAC, le Bâtiment d’art contemporain, qui regroupera également le Centre d’art contemporain et le Centre de la photographie (ses actuels voisins) que le Mamco conçoit aujourd’hui son avenir. Une votation des crédits de rénovation de l’ancien bâtiment industriel partiellement classé est attendue autour de l’été prochain et les travaux sont prévus, selon le calendrier actuel, pour le deuxième trimestre 2025. D’une durée de quatre ans, ils devraient aboutir sur une réouverture des lieux fin 2028 ou début 2029. « La rénovation porte sur trois points principaux, détaille le directeur du Mamco. Il s’agit d’abord de créer une offre synergique entre les trois structures présentes dans le même lieu et d’accueillir le public ensemble autour des aménités qui sont attendues aujourd’hui, de la billetterie unique à la cafétéria, en passant par une librairie et une salle de médiation. Ensuite, il faut organiser le parcours des visiteurs à travers le bâtiment, de la rue aux espaces d’exposition et, pour ce faire, une nouvelle entrée a été dessinée. Enfin, le bâtiment sera équipé de systèmes de contrôle climatique, ce qui permettra au musée de présenter les œuvres dans les meilleures conditions et d’étendre la typologie des œuvres empruntées. »

Trait d’union entre le Mamco des débuts et le « nouveau » musée attendu : un dernier projet d’exposition participative, intitulé « De mémoire », sera ouvert à partir de l’automne jusqu’à la fermeture des espaces pour rénovation. Il incite chaque visiteur à voter pour que soit exposée l’œuvre de son choix à partir d’un catalogue des œuvres de la collection muséale consultable sur son site Internet.

Musée d’art moderne et contemporain, MAMCO,
10, rue des Vieux-Grenadiers, 1205 Genève, Suisse.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°630 du 29 mars 2024, avec le titre suivant : Trente ans après son ouverture, le Mamco va fermer pour travaux

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