Faut-il un prétexte pour revenir au Musée Tinguely à Bâle ? Pas vraiment, tant l’œuvre du père des Méta-mécaniques, qui préfigure la jonction de l’art et de la communication moderne, est d’actualité.
SUISSE - Est-ce la dimension ironique de ses travaux qui fait oublier parfois que ce bricoleur génial proposait déjà « l’apothéose et apocalypse de l’âge mécanique de la société industrielle », disait le critique Pierre Restany ? Les artistes contemporains, en tout cas, ne se sont pas trompés en s’inspirant de ces « organismes » mécaniques, ces assemblages animés ou ces manèges bruyants, dans la tradition de l’art de la machine qui parcourt le XXe siècle. Machines célibataires, elles semblent former leur propre univers en mouvement perpétuel. L’exposition récente prend comme point de départ les « Méta-matics » de Tinguely, ces « automates » qui dessinent sans intervention humaine. Rappelons le Méta-matic n° 17 qui, à la Biennale de 1959, produira 40 000 dessins. Le projet un peu fou lancé en 2009 par la Metamatic Research Initiative néerlandaise, invite une dizaine d’artistes à concevoir des « versions » contemporaines de ce Frankenstein artistique.
Les Meta-matics mis en perspective
Les installations réalisées offrent un éventail étonnant par leur diversité. Films, vidéos, objets quotidiens, instruments de musique, machines d’inutilité publique… l’hybridation semble régner partout. C’est, sans aucune contestation, à Thomas Hirschhorn que va la palme du mérite du bric-à-brac le plus ahurissant. Diachronic-Pool est une immense structure où le visiteur trouve aussi bien une piscine que des claviers d’ordinateur, des bandes de papier et du papier d’aluminium ou encore des pneus de voiture, le tout attaché de façon approximative avec un ruban adhésif. Expérience sensorielle totale face au monde chaotique où l’homme, perdu dans cet immense chantier, ne maîtrise plus les objets. Le travail de Brigitte Zieger (Shooting Wallpaper) est d’une dimension plus modeste, mais l’interaction avec le spectateur n’en est pas moins efficace. Tout commence d’une manière idyllique : des silhouettes féminines, peintes sur une toile de Jouy, forment un « paysage » rassurant par son côté bourgeois, voire kitsch. On est d’autant plus pris en traître quand, d’un seul coup, une de ces femmes avance et décharge un revolver dans notre direction. Ailleurs, L’Espace de chant pour une personne timide (Ranjit Bhatnagar) est un karaoké par procuration : une batterie musicale électrique « traduit » et garantit un résultat qu’on s’imagine bien meilleur que notre capacité vocale. Variées à l’extrême, ces œuvres n’ont qu’un seul point commun : l’homme et les machines entament un dialogue, mais souvent un dialogue de sourds.
jusqu’au 26 janvier, Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlange 1, Bâle, Suisse, tél 41 61 681 93 20, infos@tinguely.ch, tlj 11h-18h sauf mardi.
Commissaire : Andreas Pardey
Nombre d’œuvres : 10
Nombre d’artistes : 10
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Tinguely revisité
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Abonnez-vous dès 1 €Thomas Hirschhorn, Diachronic-Pool, détail, 2012, installation, 500 x 2200 x 1000 cm. © All Art Initiatives, Amsterdam. Photo : Marc Domage, courtesy Gladstone Gallery, New York.
Brigitte Zieger, Shooting Wallpaper, détail, 2012, installation interactive, 400 x 650 x 800 cm. © All Art Initiatives, Amsterdam. Photo : Daniel Spehr.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Tinguely revisité