PARIS
« Je lus la première fois le nom de Stéphane Mandelbaum, en 2015, dans une interview de Robert Combas », note le galeriste Bruno Jean, qui a dévoilé en 2017 des dessins de l’artiste sur le stand de sa galerie Tristan au sein de Drawing Now.
Dans cette interview, Combas y disait l’intérêt de confronter son œuvre à celle d’autres artistes, notamment celle de Stéphane Mandelbaum. La curiosité du galeriste piquée, « les heures suivantes furent consacrées à des recherches le concernant sur Internet », et à découvrir une œuvre et un destin hors du commun.
Le Belge Stéphane Mandelbaum (1961-1986), fils du peintre d’origine juive polonaise Arié Mandelbaum et de l’illustratrice de renom Pili Mandelbaum, d’origine arménienne, a tout de l’artiste météore fascinant, tant pour ses dessins expressionnistes à la virtuosité indéniable que pour sa trajectoire fulgurante. Attiré par les armes à feu et la pègre, le dessinateur disparaît en effet en décembre 1986 à la suite du vol d’un tableau de Modigliani. Il sera retrouvé mort non loin de Namur, deux balles dans le corps et le visage défiguré à l’acide.
« Vivre fort ! », telle était la devise rimbaldienne de cet artiste voyou qui connut deux grandes passions dans sa courte vie : le dessin et le banditisme. Difficile lorsque l’on voit ses dessins virtuoses, réalisés au Bic, à la mine graphite ou au fusain, de ne pas faire le rapprochement avec la vie de l’auteur, brûlée par les deux bouts. Chez Mandelbaum, l’œuvre et la vie sont intrinsèquement liées, au point qu’il a parfois été comparé à un Basquiat belge… qui n’aurait pas trouvé son Warhol. Un parfum culte règne donc autour de cet artiste néo-expressionniste : atteint d’une dyslexie incurable, Stéphane Mandelbaum fut placé dans un établissement pour enfants à troubles caractériels, le Snark – sa personnalité ambiguë et complexe était également caractérisée par une mythomanie compulsive et une judaïté obsessionnelle.
Pour autant, on peut apprécier ses dessins à la puissance de frappe évidente, transgressant les genres (le dessin classique, l’art brut, la bande dessinée) et axés sur quelques constantes manifestes (autoportraits et portraits de son grand-père, panthéon artistique de Bacon à Rimbaud, judaïté et nazisme, scènes pornographiques), sans rien connaître de sa vie. « J’ai découvert ses dessins à Drawing Now, souligne le collectionneur Marin Karmitz, et j’ai acheté ignorant tout de l’artiste. Mandelbaum est un dessinateur sidérant, car il transforme la réalité, ce n’est pas un illustrateur de réalités. Avec son dessin disruptif, il bouleverse la simple représentation. » De son vivant, Stéphane suscita l’enthousiasme, à la fois de ses proches et de la critique, même si les acquisitions furent rares. Et, en 1987, la rétrospective du Botanique à Bruxelles qui suivit l’année de sa mort connut un immense succès. Depuis, l’œuvre, connu des seuls initiés et de certains collectionneurs tant belges que français, tel Antoine de Galbert qui acquit, il y a déjà une quinzaine d’années, des feuilles de Mandelbaum, est resté en sommeil.
Suite à l’acquisition en 2017 à Drawing Now d’un grand format représentant Goebbels, le Centre Pompidou décide en mars de mettre en lumière cette œuvre créée dans l’urgence. Une centaine de pièces graphiques, avec le soutien de la famille Mandelbaum, sont dévoilées avec pour dessein de retracer, à la manière d’un récit, le destin romanesque d’un artiste maudit, assassiné à l’âge de 25 ans. En parallèle, à Paris, la Galerie DIX291 montrera en avril son œuvre gravé (rare), avant que la Galerie Zlotowski s’associe, en mai, à cet hommage en exposant un ensemble de réalisations de Mandelbaum, sélectionnées par Bruno Jean, soulignant : « Derrière la provocation et l’usine à fantasmes qu’était Stéphane, il faut absolument redécouvrir une œuvre magistrale, car humainement infiniment touchante ».
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Stéphane Mandelbaum
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Stéphane Mandelbaum