Pour le cinquantenaire de Mai 1968, le Centre Pompidou acquiert une œuvre historique de Raymonde Arcier, pionnière de l’art textile et féministe engagée.
Raymonde Arcier
À sept ans, Raymonde Arcier, née en 1939, tricote déjà le point mousse comme sa mère. À 17 ans, elle obtient son CAP d’employée de bureau qui lui assure un emploi stable jusqu’à sa démission en 1970. Mai 68 est passé par là. Elle fréquente les réunions du Mouvement de libération des femmes, s’inscrit en sociologie à la faculté de Vincennes, et crée, en autodidacte, ses premières œuvres textiles. D’emblée, celles-ci dénoncent l’asservissement de la femme tel Jeu de dames avec ses huit serpillières sales cousues à huit autres serpillières propres pour former un damier. Elle s’engage au même moment dans la publication de la revue féministe Le Torchon brûle, dont elle illustre de ses collages plusieurs numéros de 1970 à 1973. Produisant peu dans la solitude de son atelier parisien, puis normand, Raymonde Arcier est restée à l’ombre du marché de l’art, jusqu’à sa présente redécouverte, à la faveur du regain d’intérêt actuel pour l’art textile.
1975-1976
Près d’une année a été nécessaire pour façonner Au nom du père. Des œuvres féministes de Raymonde Arcier, elle est la plus saisissante et s’impose, aujourd’hui, comme l’une des créations les plus édifiantes de toute la production artistique née des luttes sociales et politiques de Mai 1968.
Point mousse
L’artiste tricote au point mousse avec des aiguilles géantes taillées dans des manches à balai. Les outils employés conditionnent la taille de la maille, grossie à outrance, pour mieux dénoncer l’enfermement des activités féminines.
Au nom du Père
Sa démesure est saisissante, tout comme sa nudité crue. Les sacs de provisions que la femme porte sont surdimensionnés. Un nouveau-né pend entre ses jambes. Les bras en croix, elle est comme crucifiée aux tâches ménagères et sexuelles. Le filet qui recouvre son visage symbolise le piège dans lequel étaient emprisonnées les femmes de la génération de Raymonde Arcier jusqu’à ce qu’elles fassent leur révolution.
25 000 €
Un prix, plus que raisonnable, dont la moitié consentie sous forme de don généreusement offert par l’artiste. Première œuvre de Raymonde Arcier à intégrer les collections nationales, Au nom du père fait sensation lors de sa redécouverte tardive, en 2017, à l’occasion de l’exposition « L’esprit français, contre-cultures 1969-1989 » organisée par la Maison rouge (Paris). Avant de rejoindre le Centre Pompidou, la sculpture fait un détour cet été par la Villa Datris (Fondation pour la sculpture contemporaine, L’Isle-sur-la-Sorgue) où elle est l’une des pièces maîtresses de l’exposition « Tissage, tressage, quand la sculpture défile », jusqu’au 1er novembre.
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Raymonde Arcier : Au nom du père
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Au nom du père