PISE / ITALIE
20 ans après la découverte d’une trentaine de navires romains et de leur cargaison, Pise inaugure le musée qui les abrite.
Le 16 juin dernier, Pise fêtait comme tous les ans son saint patron, San Ranieri. Alors que la ville était décorée de milliers de lumignons, une foule compacte s’était massée devant les anciens Arsenali Medicei pour découvrir, en avant-première, le nouveau musée de la ville. Après 20 années de fouilles, le Musée des bateaux antiques ouvre enfin ses portes, pour présenter une découverte archéologique unique : un ensemble de navires antiques conservés dans leur quasi-intégralité.
Ce trésor a été mis à jour en 1998, à l’occasion de travaux sur la gare de San Rossore, à quelques centaines de mètres de la Piazza dei Miracoli et de sa fameuse tour penchée. L’état de conservation exceptionnel de ces vestiges valent rapidement au chantier le surnom de « Pompéi des mers ». Niché dans un réseau de canaux, ce port antique a subi des crues régulières de l’Arno, causées par le déboisement des alentours. Emportés par les flots dans le fond du fleuve, les navires doivent leur état de conservation aux alluvions, puis au sable qui les ont recouverts, les scellant hermétiquement.
Ces conditions de conservation sont une aubaine pour les chercheurs, mais elles exigent aussi des méthodes de travail encore inconnues. Le Centro di restauro del legno bagnato de Pise (centre de restauration du bois humide) dispose de vingt années de travail dans la restauration et la conservation des matières organiques. Le défi a été la préservation des bois et des toiles, certes isolés des micro-organismes, mais « mou comme des éponges ». Ils ont pour cela utilisé notamment des résines spéciales. Ce travail a permis de conserver les navires dans leur intégrité, tel qu’ils ont été découverts, et de pouvoir les livrer ainsi au regard du public.
Datés entre le IIIe siècle avant J.-C. et le VIIe siècle de notre ère, les quelques trente navires retrouvés empilés les uns sur les autres offrent des informations capitales sur un millénaire d’histoire maritime et commerciale. Plus de 8 000 objets ont aussi été retrouvés dans les cales des bateaux, et sont désormais exposés dans le nouveau musée. Les vestiges quasi intacts des cargaisons contenues dans les amphores renseignent avec une précision inédite sur la qualité et la quantité des échanges commerciaux. Des effets personnels ont également traversé les siècles, racontant le quotidien des marins antiques. Les archéologues ont même découvert le squelette d’un homme embrassant son chien : une scène figée par les alluvions, comme les habitants de Pompéi le furent par les cendres du Vésuve.
Les navires sont en eux-mêmes une mine d’informations, ne serait-ce que par la diversité de leurs typologies : « Transbordeur, canoé, pirogue, bateau commercial ou militaire, comme le plus grand, l’Alchedo (13 mètres de long), qui est le seul bâtiment de ce type retrouvé pratiquement en entier, énumère l’archéologue Domenico Barreca pour le Corriere della Serra, C’est une véritable photographie de la construction navale de la période romaine, sur laquelle nous n’en savions que très peu. » Fait unique, sur un bateau à rame de plaisance, les archéologues ont retrouvé le seul « œil apotropaïque » encore conservé : ce symbole protecteur était peint sur la proue de tous les navires romains.
Dans le bâtiment des Arsenali Medicei, ces découvertes sont exposées sur un espace 5 000 m² : sept des navires sont présentés avec leur cargaison. La visite est divisée en huit salles thématiques, dans une muséographie qui laisse la part belle à ces objets exceptionnels « Nous avons limité la partie digitale, en insérant quelques éléments didactiques qui montrent directement l’histoire et le contexte [des pièces] », explique la directrice scientifique des lieux, Andrea Camilli, pour Pisatoday.
Lors de l’inauguration, dimanche dernier, les responsables politiques n’ont pas caché leurs ambitions pour le nouveau musée : « Notre but est de transformer le quartier des Arsenaux en un pole touristique majeur de Pise, juste après la Piazza dei Miracoli », a déclaré Michele Conti, maire de la ville. Ce dernier a coupé le ruban en compagnie du Ministre de la Culture, Alberto Bonisoli, qui s’est félicité de l’enrichissement de l’offre culturelle à Pise. Son ministère aura dépensé plus de 16 millions, investis dans les fouilles, l’analyse et la conservation des découvertes, puis l’aménagement de ce musée, que l’on présente déjà comme le plus important centre sur l’archéologie navale.
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Ouverture à Pise d’un exceptionnel musée de navires antiques
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