Patrimoine

Michel Draguet : "En Belgique, il n’y a pas de culture de la culture"

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 21 janvier 2019 - 504 mots

BELGIQUE

Michel Draguet est directeur des Musées royaux des beaux-arts (MRBA).

Les MRBA souffrent à nouveau de problèmes d’infiltrations d’eau. Les travaux prévus de longue date n’ont-ils pas été réalisés ?

Michel Draguet -  La Belgique a voulu prendre à bras-le-corps son endettement et a coupé dans les budgets de manière linéaire sans tenir compte des besoins des institutions. Il n’y a donc pas eu d’investissements massifs pour mener à bien les travaux de rénovation. Par ailleurs, nous avons perdu beaucoup de notre personnel. Il y a un vrai paradoxe à diriger le premier musée du pays et à constater que notre appauvrissement est systématique. Et qu’à force de transférer aux régions des moyens jusqu’à présent fédéraux, on met les institutions fédérales dans un état de sous-financement. D’autant que les régions développent souvent de manière schizophrénique leurs propres projets au détriment d’autres institutions situées sur leur territoire et qui sont des pôles d’attraction culturelle et touristique.

Pourquoi cette situation ne suscite-t-elle pas plus d’indignation ?

En Belgique, il n’y a pas de culture de la culture. C’est un pays de collectionneurs, un pays marchand qui n’a pas une vision désintéressée de la culture. Par ailleurs, l’attachement aux institutions culturelles n’est pas le même qu’en France, où elles ont une valeur de symbole. D’ailleurs, nous n’avons pas de ministre de la Culture mais une secrétaire qui a de multiples compétences, dont la Politique scientifique qui inclut, entre autres, les musées.

Quelles sont les pistes que vous explorez pour sortir de la crise ?

Une des solutions est d’aller chercher de l’argent en dehors de la sphère publique, mais c’est compliqué car notre législation ne favorise pas le mécénat d’entreprise. Dans l’attente de travaux, je pense qu’il faut aussi développer un projet qui soit gérable à l’échelle de ce que le musée peut faire. C’est-à-dire entrer dans une logique de décroissance plutôt que d’être constamment sur la corde raide, au fur et à mesure que l’on perd notre personnel et que l’on se retrouve dans un état de déliquescence de plus en plus avancé. Il faut revenir à un outil qui, fort de ses collections, les fait davantage tourner, en multipliant notamment les partenariats avec l’extérieur. Outre la collaboration actuelle avec le Petit Palais sur Khnopff, nous avons également des projets autour du Symbolisme belge avec les musées de Berlin et le Metropolitan. Chez nous, nous allons montrer nos collections à une échelle plus gérable pour le musée, en le rendant de moins en moins dépendant de l’exercice de démantèlement de l’État. Cela veut dire investir moins d’espace et redéployer les collections de manière plus cohérente. Par exemple en réfléchissant à exposer dans un autre espace les Primitifs flamands, qui sont actuellement dans l’endroit le plus difficile à climatiser du bâtiment. Alors même que notre facture énergétique a doublé en dix ans et que notre dotation a diminué. On pourrait consacrer cet espace à l’art contemporain, qui ne nécessite pas les mêmes conditions d’exposition ; cela permettrait aussi de régler le problème de la non-présentation de cette collection.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Michel Draguet : "En Belgique, il n’y a pas de culture de la culture"

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