Restauration

MUSÉE

À Lyon, Le Musée des moulages totalement remodelé

Par Gabriel Ehret · Le Journal des Arts

Le 11 avril 2018 - 798 mots

LYON

Les copies des chefs-d’œuvre de la sculpture antique, médiévale et moderne ont réintégré leur écrin, qui ouvrira définitivement cet automne.

Lyon. Sensation étrange qu’une déambulation, au cœur de Lyon, parmi les copies grandeur nature des statuaires grecque et romaine… Avant-garde du « musée imaginaire » rêvé par Malraux, la collection avait été réunie en 1899 sous les toits de la faculté des Lettres. La technique du moule à pièces, à partir de gypse, avait servi à la réalisation des statues. C’était là une des vastes gypsothèques dont se dotaient à l’époque les universités des principales villes françaises. La nation, vaincue en 1870, voulait égaler l’Allemagne jusque dans l’enseignement de l’archéologie : initier les étudiants à l’Antiquité classique, à travers les pièces maîtresses de sa sculpture et ses éléments d’architecture, tel était le but de ces collections universitaires.

Enrichi d’apports successifs, l’ensemble lyonnais compte en 1985 quelque 1 200 pièces quand l’université y adjoint les 700 moulages de sculptures médiévales et modernes qu’elle détenait par ailleurs. Ce mouvement ne fut pas le dernier : encore une fois, la quête d’espaces destinés à l’enseignement obligea à son transfert dans un ancien atelier de confection rénové a minima.

Magnifier les collections comme le volume

C’est ce lieu qui vient de bénéficier d’un réaménagement total, mené par l’architecte Nicolas Guillot, auteur également de la muséographie, initialement esquissée par l’agence Les Charrons. Situé cours Gambetta, le Musée des moulages a le métro à sa porte. L’ouvrir davantage au public non étudiant était un des objectifs de l’université Lyon-II quand elle lança le concours d’architecture. Il fallait aussi faire d’une pierre deux coups, dans le cadre du projet « Lyon Cité Campus » : conférer au musée surfaces supplémentaires et nouveaux services devait aller de pair avec l’arrivée sur les lieux du département musique et musicologie.

Pareil programme bicéphale a pu trouver sa concrétisation en associant démolition partielle et reconstruction (1 200 m²), réaménagements (1 850 m²), ainsi que création d’un auditorium commun destiné aux conférences, concerts et répétitions. Coût total : 4,8 millions d’euros TTC pour l’État et 1,276 million d’euros pour Lyon-II. La démolition-reconstruction a permis d’accueillir le département musique, le bâtiment neuf reprenant la silhouette du bâtiment détruit en la prolongeant et en épurant son principe de « sheds » [toiture en dents de scie]. Le même acier laqué se propage de cette nouvelle couverture à celle des « sheds » conservés, sous lesquels, dans les 850 mètres carrés de la grande halle industrielle, ont repris place environ 200 des plus beaux moulages, des frontons du Parthénon au Lion au serpent d’Antoine Louis Barye, en passant par l’Esclave mourant de Michel-Ange, dont la subtile finition évoque plus qu’aucune autre pièce le poli du marbre. De fait, malgré leur qualité d’exécution, toutes ces copies, vues de près, trahissent la matière dont elles sont faites. Mais la délicatesse de la lumière zénithale, à peine rehaussée par de discrets projecteurs, pourvoit chacun de ces épidermes d’un velouté laiteux à l’extrême suavité. L’effet a été obtenu en tendant sous les « sheds », horizontalement, une double toile munie de diodes qui répartit la lumière de façon homogène dans l’espace. Blancheur des murs et des anciens piliers métalliques simplement repeints participent de l’opalescence de ce volume parallélépipédique, dont l’intemporalité est accrue par une luminosité invariable. Les diodes modulent en effet leur apport selon la quantité de lumière extérieure arrivant par le plafond et par une grande baie latérale.

Autorisation de toucher

« Il ne s’agit que de copies, commente Nicolas Guillot, [exposées] sans toutes les mises à distance qui entourent habituellement les originaux. Il est permis de les toucher ou les contourner, ce qui est aujourd’hui impossible sur les icônes telles la Vénus de Milo ou la Victoire de Samothrace. » Ces dernières s’insèrent parmi les moulages indépendamment de toute mise en scène particulière, la Victoire simplement placée en tête de l’une des rangées d’œuvres. Une disposition en alignements réguliers et serrés régit l’ensemble, le propos étant de « montrer l’étendue de la collection plus que de la décomposer œuvre par œuvre », toujours pour cette raison qu’il s’agit de simples copies. Pour en montrer le maximum, on effectuera des rotations, les moulages non exposés étant conservés dans les réserves, au sous-sol. Certains chefs-d’œuvre de la statuaire médiévale (le « Beau Dieu » de la cathédrale d’Amiens, Charles V et son épouse…) sont présentés dans une galerie longeant la grande halle, boîte noire où des essais lumineux sont menés pour leur appliquer les couleurs dont ils étaient peints à l’origine. L’auditorium reçoit sur ses murs deux frises de tauromachies, dont les reliefs concourent à la diffusion des sons. Et dans le hall d’accueil qui s’offre transparent sur la rue, des bustes illustres, de Périclès à Voltaire, surgissent de leurs cadres comme pour interpeller le passant.

Musée des moulages,
87, cours Gambetta, 69003 Lyon, ouvert définitivement à partir de la fin de l’année.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°499 du 13 avril 2018, avec le titre suivant : À lyon, Le Musée des moulages totalement remodelé

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