Le Musée des lettres et manuscrits a ouvert ses portes dans la luxueuse Galerie du roi, à Bruxelles. La société Aristophil en alimente le fonds grâce à un dispositif fiscal attractif.
BRUXELLES - Le 23 septembre était inauguré le Musée des lettres et manuscrits de Bruxelles (lire l’encadré). Créée à l’image de son homonyme parisien, la nouvelle institution en partage le fonds, riche de plus de 80 000 documents, dont certains sont exceptionnels par leur rareté ou leur importance historique. Un fonds alimenté par Aristophil (Aristophil-Bruxelles pour la Belgique), société anonyme de commerce et d’expertise de lettres et de manuscrits. Mais d’où Aristophil tient-elle sa force de frappe en matière d’acquisition ? Avoir pour président-fondateur un ancien conseiller en gestion du patrimoine comme Gérard Lhéritier y est pour beaucoup. Il y a un an et demi, alors que se préparait l’ouverture du musée belge, Aristophil-Bruxelles (alors dénommée Artesoris) faisait paraître plusieurs publi-rédactionnels dans la presse économique belge. Extraits : « La crise financière a sapé le moral de nombreux investisseurs. Pourtant, il existe des investissements alternatifs, tout aussi rémunérateurs… si pas plus : l’investissement dans les lettres et manuscrits autographes » (in Mon Argent, 6 mars 2010). « Ce marché [des autographes] est devenu un bon investissement dans le cadre de la diversification du patrimoine comme le sont d’autres secteurs du marché de l’art. Ils évoluent indépendamment des marchés financiers traditionnels et ils procurent de nombreux avantages fiscaux. Ils n’ont subi aucune baisse pendant la crise. Mais il est important pour les investisseurs d’être attentifs au marché, prudents, et de se tourner vers les experts avant d’acheter » (in Trends, 18 mars 2010). Des experts dont Aristophil offre les services…
La méthode est simple. Il suffit à l’investisseur d’adhérer à l’association des Amis du musée (en s’acquittant d’une cotisation annuelle de 30 euros) pour avoir accès à toute une gamme de privilèges. Parmi ceux-ci, il peut choisir entre deux types de contrats d’investissement qui lui permettent de se porter acquéreur (seul ou en indivision) d’une lettre, d’un manuscrit, d’un dessin voire d’une collection dûment sélectionnés. Après l’achat, le collectionneur est libre de repartir avec son bien ou de signer une convention de garde et de conservation. Dans ce dernier cas, l’œuvre est mise en dépôt à la société pour une durée de cinq ans. Au cours de cette période, Aristophil est libre de l’exposer dans ses musées de Bruxelles et de Paris, de la prêter dans le cadre d’expositions temporaires, de lui consacrer un article dans sa revue affiliée Plume, comme d’en réaliser un tirage lithographique limité. Au terme de ce dépôt, une fois l’œuvre valorisée, le propriétaire a le choix entre sa revente ou le renouvellement de la convention de garde et de conservation.
Un système gagnant-gagnant
C’est là que l’opération devient intéressante : selon la fiscalité belge, toute plus-value réalisée sur un bien cédé au bout de cinq ans, dans le cadre d’une gestion normale du patrimoine privé, est exonérée d’impôt. Un système gagnant-gagnant, tant pour les investisseurs que pour le public et les chercheurs qui ont accès aux collections. Sur les 14 000 membres des Amis du musée (11 000 pour la France, 3 000 pour la Belgique), plus des deux tiers sont devenus clients. À ce jour, le fonds se divise entre environ 10 000 pièces acquises pour la Belgique et 72 000 pour la France. Ce qui différencie ce « produit d’investissement » d’un simple « produit financier » (que pourrait offrir une banque par exemple) est l’absence de garantie de rachat. Si Aristophil dispose d’un droit de préemption, la société n’est pas tenue de racheter les biens des membres de l’association.
Reste la question de l’aliénabilité de la collection. Imaginons que tous les acheteurs en indivision du manuscrit du Manifeste du Surréalisme souhaitent se défaire de leur bien, qu’adviendra-t-il de cette pièce muséale (acquise chez Sotheby’s à Paris pour 1,9 million d’euros en 2008) ? Si certains « petits » documents sont revendus sans appréhension, Gérard Lhéritier assure que, « pour les grosses pièces, Aristophil use de son droit de préemption, car il n’est pas question qu’elles sortent des collections ». Ce qui fut le cas pour le manuscrit d’Einstein-Besso, préparatoire à la théorie de la relativité générale, racheté en 2008 à une indivision qui l’avait acquise en 2004. Dans ces situations, Aristophil peut puiser dans sa propre trésorerie, mais aussi proposer la pièce à l’achat à un nouvel investisseur.
Un an et demi après l’inauguration du nouveau siège du Musée des lettres et des manuscrits, sis boulevard Saint-Germain à Paris, son fondateur et président Gérard Lhéritier vient d’en dévoiler l’avatar bruxellois. Installé dans la très chic Galerie du roi, non loin de la Grand-Place où il a investi les locaux d’une boutique de luxe, le nouveau vaisseau est modelé sur son grand frère parisien tant sur le fond que sur la forme. Comme à Paris, la conservation est assurée par Pascal Fulacher, l’architecture est signée Drôles de trames, la scénographie, Véronique Dollfus. Divisés entre collections permanentes (à l’étage) et expositions temporaires (au rez-de-chaussée), les espaces offrent un parcours confortable et didactique où les documents sont regroupés par thème (science, histoire, arts, littérature…), et chaque missive est résumée en quelques lignes.
Plat pays oblige, la muséographie fait la part belle aux figures qui ont fait la fierté de la Belgique : James Ensor, Paul Delvaux, Émile Verhaeren, René Magritte, Hugo Claus, CoBrA, Hergé, Jacques Brel…, tandis que Georges Simenon inaugure le cycle des expositions (jusqu’au 24 février 2012). Compte tenu de la fragilité des documents, les vitrines seront renouvelées une à deux fois par an. Côté fréquentation, le musée espère glaner quelques-uns des 6 millions de badauds qui empruntent le passage historique chaque année, et attirer 90 000 visiteurs par an – pour 30 000 actuellement à Paris.
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Lettres à la mode bruxelloise
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°355 du 21 octobre 2011, avec le titre suivant : Lettres à la mode bruxelloise