Fermant la place Saint-Marc à Venise, l’Ala Napoleonica qui abrite le Musée Correr reste la principale réalisation architecturale de l’époque française. C’est donc naturellement que le Comité français pour la sauvegarde de Venise a pris en charge la restauration de ce jalon important du Néoclassicisme.
VENISE - L’histoire de la cité lagunaire ne s’est pas arrêtée en 1797, avec l’entrée de Bonaparte et des armées de la Révolution. Le XIXe siècle vit encore fleurir quelques entreprises artistiques ambitieuses, notamment sous l’Empire. Fossoyeur de l’ancestrale République, le jeune général devenu empereur décide d’en faire la deuxième ville du royaume d’Italie, dont Eugène de Beauharnais est proclamé vice-roi. Des aménagements palatiaux s’avèrent alors indispensables et seule la place Saint-Marc, centre de gravité politique et religieux de la Sérénissime, semble digne d’accueillir les nouveaux souverains. L’église San Geminiano, construite par Jacopo Sansovino au XVIe siècle, sera sacrifiée sur l’autel de ce grand dessein. Entre les anciennes et les nouvelles Procuraties, face à la basilique San Marco, s’élèvera donc l’Ala Napoleonica, qui, commencée en 1808, ne sera achevée qu’en 1836, sous la domination autrichienne. Au XXe siècle, le Musée Correr s’y est installé, et on y entre en passant sous le portique (sotoportego) et en empruntant l’escalier d’honneur.
Depuis de nombreuses années, la restauration de ces deux éléments était devenue nécessaire. Mal-aimé du patrimoine vénitien, le lieu semblait attendre que des Français s’y intéressent. Ce fut en l’occurrence le Comité français pour la sauvegarde de Venise, qui avait autrefois contribué à la restauration de l’église Santa Maria della Salute. Lorsqu’il y a deux ans, Jérôme Zieseniss prend la tête de cette association alors en sommeil, il souhaite qu’elle s’investisse rapidement dans un projet concret. Sa proposition de redonner son lustre à l’aile napoléonienne séduit Giandomenico Romanelli, directeur des Musées de Venise. “Nous sommes sans doute les deux seuls ici à nous intéresser au XIXe siècle vénitien”, commente avec humour Jérôme Zieseniss.
Il s’agit en effet de l’un des seuls grands décors néoclassiques conservés à Venise. Le peintre-décorateur Giuseppe Borsato (1771-1849), qui en est l’auteur, avait aussi œuvré au Théâtre de la Fenice ; on sait ce qu’il en reste ! Place Saint-Marc, sculpteurs et peintres ont travaillé sous sa direction, donnant naissance à un majestueux décor Empire : scènes antiques et trophées peints en trompe l’œil, guirlandes et Victoires ailées en bas-relief constituent la grammaire de ce style aussi martial que raffiné. Débarrassé de la saleté, l’escalier a retrouvé les subtils accords entre la peinture aux teintes volontairement réduites et la pierre d’Istrie, traitée ici comme du marbre.
Quant au sotoportego, le nettoyage méticuleux opéré par les restaurateurs sur cette structure en bois enduite de stuc a permis d’en restituer les différences de ton raffinées. Giandomenico Romanelli espère que cette restauration servira d’exemple pour le reste de la place Saint-Marc, qui en aurait bien besoin. De légères interventions sur le vestibule, la salle du trône et la salle de bal sont également programmées. Commencés en décembre dernier, les travaux devraient se terminer l’été prochain.
Cette opération – dont le budget, entièrement pris en charge par le comité français, s’élève à cinq millions de francs – “s’inscrit dans un grand projet de rénovation des musées de la ville, explique leur directeur. En 2001, on a commencé à rouvrir des musées comme la Ca’ Rezzonico” (lire ci-contre). Suivront bientôt la Ca’ Pesaro, le Musée Fortuny ou encore les musées d’arts appliqués, autant de réalisations rendues possibles par la loi spéciale sur Venise.
- Comité français pour la sauvegarde de Venise, 34 avenue de New York, 75116 Paris, tél. 01 47 23 09 08.
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Les musées vénitiens accomplissent leur mutation (part II)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : Les musées vénitiens accomplissent leur mutation (part II)