À 500 kilomètres de la capitale égyptienne, des fouilles archéologiques dans la cité d’Abydos ont mis au jour des embarcations parmi les plus anciennes du monde. Forts de cette découverte, les chercheurs s’attèlent désormais aux retentissements qu’une telle découverte implique dans l’histoire des coutumes funéraires pharaoniques.
LE CAIRE - Dans l’Antiquité, Abydos était le siège du plus important culte dédié au dieu des morts, Osiris. Dans cette ancienne cité égyptienne, à quelque 500 kilomètres au sud du Caire, une expédition archéologique composée de chercheurs du Musée de l’université de Pennsylvanie, de l’université de Yale et de l’Institut des beaux-arts de l’université de New York opère depuis 1967. Non loin de l’imposante enceinte de Shunet el-Zebib, qui renferme le complexe funéraire du pharaon de la IIe dynastie Khasekhemouy (2700 av. J.-C.), les archéologues ont découvert, en 1991, des structures en briques crues contenant des bateaux parmi les plus anciens du monde.
Ces quatorze embarcations, dont les longueurs varient entre 18 et 24 mètres, ont été mises au jour dans un contexte archéologique qui, avant la confirmation des examens au carbone 14, a permis une datation provisoire autour de l’an 3000 av. J.-C. Selon David O’Connor, directeur de la mission archéologique américaine, elles peuvent non seulement être attribuées aux règnes des premiers souverains de la Ire dynastie, mais aussi être étroitement liées au souverain Ahâ, identifié à Menes, fondateur mythique de l’État pharaonique. Cependant, la nécropole des souverains de la Ire dynastie, au centre de laquelle se trouve le tombeau d’Ahâ, est distante de quelques kilomètres du lieu des découvertes.
Dans l’état actuel des connaissances, l’hypothèse de leur rapprochement avec un souverain de cette époque paraît moins probable que celle d’un rapport avec le complexe funéraire adjacent de Khasekhemouy. Qu’elles soient datées de la Ire ou de la IIe dynastie, la découverte de ces barques est fondamentale pour la connaissance de l’histoire pharaonique. Les bordages, bien qu’endommagés par les termites, pourront être récupérés en grande partie, grâce au travail de restauration déjà entamé lors de la campagne de l’été dernier. À la différence de nombreux objets faisant partie du trousseau funéraire, les embarcations n’étaient pas fabriquées comme de simples maquettes puisqu’elles pouvaient parfaitement naviguer.
De longueur et largeur variables, d’une moyenne de 60 centimètres de profondeur, elles étaient susceptibles de recevoir jusqu’à trente rameurs. Assemblées par des cordes enfilées en mortaise, les planches en bois étaient tapissées de roseaux. Des traces de pigment jaune laissent supposer que les coques étaient peintes. Fournissant des données essentielles sur le plus ancien chantier naval égyptien, les esquifs d’Abydos jettent aussi un nouvel éclairage sur les rapports commerciaux entre l’Égypte et ses pays limitrophes, ainsi que sur les coutumes funéraires pharaoniques.
Elles pourraient attester de l’existence de croyances à un “au-delà”, où le souverain rejoignait Râ, dieu du Soleil, et traversait quotidiennement avec lui le Nil céleste. Les bateaux d’Abydos précèderaient ainsi de trois ou cinq cents ans la fameuse barque solaire retrouvée le long du côté méridional de la pyramide de Khéops.
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Les barques d’Abydos
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Les barques d’Abydos