Heureux qui voit Paris pour la toute première fois, pour n’en pas revenir. Quitte la chambre d’un hôtel au matin vers 9 h et se nourrit, au petit-déjeuner, de toutes les idées reçues.
Avant midi, premier croissant et premier café-crème, puis jambon-beurre et sa Vittel ; et commande le soir, dans la rue de Buci, six escargots pour n’en manger que trois. Heureux qui bat le pavé docte de Saint-Germain-des-Prés sur la fin de l’été, quand le vent généreux du boulevard souffle assez dans les bronches des primopratins pour qu’ils s’engouffrent, prier le charme parisien, qu’importe la venelle. Heureux, enfin, qui n’a pas eu le temps de compiler son plan ni de pincer l’aiguille plantée dans son écran et qui voit sous ses pieds le bourg escamoté comme un décor, montrer pour son enchantement la rue de Furstenberg. Au milieu de l’année, l’ancien avant-poste abbatial voit germer dans son cœur de menus paulownias, coupables d’y tenir un culte romantique. Qu’en disent Childebert et l’éponyme cardinal germanique du lieu ? Leurs esprits tonnent-ils dans le penta-cône, un lampadaire soclé comme une boule de cristal parmi les arbres hauts, contre tous les touristes venus fouler leur terre catholique avec une âme fantastique ? Que s’en vont-ils d’ailleurs par le double battant sous le numéro 6, tous avalés derrière une voûte en plein cintre ? Ils vont, allons, visiter Delacroix, qui comme son nom le tait à la congrégation, a donné au village sa belle réputation. C’est là en effet que le peintre, employé à la décoration de la sainte chapelle de Sulpice, emménagea dare-dare sur la fin de l’année 57, dix-huit-cent entendu. Trouvé par l’entremise de son coloriste, Étienne Haro, le havre est perché au premier d’une jolie maison, au bout d’un escalier planté bien droit dans la façade. On y monte aujourd’hui montrer ses pattes blanches, acquittées d’un coupon ferré au sceau du Louvre, visiter le musée qu’est devenue la demeure. Sous les chuchotements des visiteurs conquis au logement charmant, le parquet pleure encore son illustre habitant. Criii, iii, criii, iii le bois dans le salon où jadis reposaient les pieds d’une table acajou à volets avec tapis de reps. Et se désolent encore les lattes dans la chambre, où le peintre s’est éteint à l’été 1863. Sa gouvernante y veille pour toujours en peinture, mieux disposée à faire respecter le silence que n’importe quel gardien.
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Le Musée Delacroix
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Abonnez-vous dès 1 €Où ? Musée national Eugène-Delacroix, 6, rue de Furstenberg, Paris-6e
Comment ? www.musee-delacroix.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°673 du 1 novembre 2014, avec le titre suivant : Le Musée Delacroix