L’élément le plus fascinant du Musée de l’Acropole en cours de construction à Athènes, en Grèce, est sans conteste la seule partie non encore édifiée. Soit la galerie du Parthénon, qui viendra le couronner.
De la taille exacte du temple du Parthénon, épousant l’orientation précise du chef-d’œuvre édifié par Phidias au sommet de l’Acropole voici deux mille cinq cents ans, à l’initiative de Périclès, la galerie a pour objet d’accueillir la frise, longue de 160 mètres, qui ornait le bâtiment. Frise démantelée puisque, si 40 % de la frise sont toujours présents à Athènes, 60 % furent vendus pour une bouchée de pain aux Anglais par l’occupant turc au début du XIXe siècle et figurent actuellement aux cimaises du British Museum, à Londres.
Ces quelque 100 mètres de frise manquants sont l’objet d’âpres discussions entre les gouvernements grec et britannique, et tous les amoureux du Parthénon souhaitent ardemment leur retour sur les lieux qu’ils n’auraient jamais dû quitter. « Je ne doute pas que nous y parvenions un jour. Nous étudions d’ailleurs actuellement des protocoles de compensation qui pourraient prendre la forme d’expositions prêtées au British Museum tous les deux ans », confie le professeur Dimitrios Pandermalis, archéologue de renommée internationale et président du futur musée, dont l’inauguration est prévue à la mi-2007.
Pandermalis d’ajouter : « D’autant que la valeur archéologique, historique et symbolique de cette frise est essentielle, puisqu’en réalité elle marque la naissance de la démocratie. Pour la première fois dans l’histoire de la sculpture architecturale, les personnages qui la peuplent ne sont plus des dieux, mais de vrais Athéniens, notables et bergers, musiciens et ouvriers… C’est l’accomplissement ultime d’une civilisation qui a inventé la démocratie. »
La galerie du Parthénon couronnera donc l’édifice et présentera la frise dans un écrin de verre, en pleine lumière du jour, à une hauteur humaine (soit 2 mètres), et non plus à une hauteur divine (soit plus de 10 mètres), qui était la sienne au Parthénon.
L’idée du Musée de l’Acropole naît dès 1830. À l’instant même où, par le protocole de Londres, les puissances reconnaissent l’indépendance de fait de la Grèce, deux ans tout juste avant que la patrie de la démocratie ne devienne un royaume et que Otton Ier de Bavière ne monte sur le trône. Plusieurs emplacements sont successivement choisis dans le périmètre de l’Acropole, mais chaque coup de pioche révèle des merveilles enfouies. Peu à peu, le projet se délite. Il faudra attendre le retour de la démocratie en 1974 et, surtout, la victoire du Parti socialiste en 1981 et l’arrivée de Melina Mercouri au ministère de la Culture pour que l’idée du musée renaisse de ses cendres. Vingt ans de plus seront nécessaires pour que soit organisé un concours international d’architecture portant sur la création du musée. Concours remporté, devant quelques « pointures » tels Arata Isozaki et Daniel Libeskind, par Bernard Tschumi, auquel on doit, à Paris, le parc de la Villette.
« Bernard Tschumi a su rendre contemporaines les règles de l’architecture classique : mesures, articulation, sens, symbolique… », s’enthousiasme Pandermalis.
Galerie coiffée de verre
Il est vrai que la proposition de Bernard Tschumi est d’une simplicité enthousiasmante, malgré les contraintes du site (confrontation avec l’Acropole, chantiers de fouilles, voisinage du métro, risques permanents de secousses telluriques…) et les pressions négatives (associations de riverains, opposition politique, proximité des Jeux olympiques…), lesquelles aujourd’hui ne font plus partie du paysage. Le Musée de l’Acropole est littéralement monté sur pilotis de façon à dégager, en sous-face, les champs de fouilles, qui seront visibles à travers les planchers de verre du niveau inférieur. Actuellement, ces fouilles sont protégées par un enrobage de graviers qui les rend invisibles mais étonnamment présentes. Une longue rampe mènera les visiteurs vers le premier niveau, qui accueille les collections « aristocratiques » du VIe siècle avant Jésus-Christ, tandis que le second niveau est réservé à la frise, donc au Ve siècle et à la démocratie.
Soit un musée qui souligne les strates de civilisation et dont la rampe d’accès semble respecter idéalement la typologie même de l’éperon de l’Acropole. Sans oublier cette forêt de piles montées à mi-hauteur sur des platines à la technologie sidérante – « épongeant » horizontalement et verticalement les secousses telluriques –, qui retranscrit, péristyle et hypostyle mêlés, toute la réalité du Parthénon.
Mais le plus saisissant reste à venir : une fois la galerie du Parthénon terminée, elle sera non seulement ceinturée, mais aussi coiffée de verre. Ainsi, 300 mètres plus haut, le visiteur du Parthénon pourra plonger du regard jusqu’au cœur de la galerie et contempler la fameuse frise.
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Le Musée de l’Acropole
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°234 du 31 mars 2006, avec le titre suivant : Le Musée de l’Acropole