Musée

Le musée de la chasse, de la nature et du merveilleux

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 8 avril 2021 - 805 mots

PARIS

Fermé pour travaux depuis deux ans, le Musée de la chasse et de la nature attend ses visiteurs dans un nouveau parcours agrandi. Son credo : questionner à travers les arts la relation de l’homme à l’animalité et à l’environnement.

Vous êtes-vous déjà mis dans la peau d’une tique ? Vous êtes-vous demandé ce qu’elle ressent ? Une question pas si saugrenue que cela à laquelle a déjà répondu le biologiste Jakob von Uexküll au XIXe siècle, soit bien avant que l’éthologie ne soit dans l’air du temps. Le savant avait alors conclu que son univers se limite à la perception de la chaleur et du mouvement. Que l’on s’en félicite ou que l’on s’en désole, c’est un état de fait : la prise de conscience du ressenti de tous les organismes, les questions d’écologie, d’environnement, tout comme les réflexions sur l’anthropocène sont désormais au cœur des débats de société.

Pour sa refonte, le Musée de la chasse et de la nature s’est logiquement emparé de ces questions d’actualité brûlantes. L’établissement, dont le propos était jusqu’ici centré sur le rapport de l’homme à l’animal, élargit la focale en s’interrogeant sur la relation de l’homme au vivant. Ayant investi les combles des hôtels particuliers dans lesquels il est niché, le musée met à profit cet espace supplémentaire pour déployer, à travers ce fil rouge, ses riches collections jusqu’ici inexploitées, mais également pour passer commande auprès d’artistes de nouvelles œuvres tantôt oniriques, à l’image de la cabane anthropologique couverte de plumes de coq de Markus Hansen, tantôt déroutantes, à l’instar de cette loupe géante emprisonnant une tique en verre imaginée par le collectif Art orienté objet.
 

Une douce intimité

Institution singulière, le musée écrit donc un nouveau chapitre de son histoire en traçant son sillon : questionner à travers les arts, anciens comme actuels, la relation de l’homme à l’animalité et à l’environnement. Un positionnement inattendu qui a permis à ce musée détonnant de trouver sa place dans le panorama des institutions de la capitale. Ce lieu, dont le nom est pourtant clivant, a en effet réussi à déjouer les résistances de nombreux visiteurs à l’égard de la chasse, grâce à un propos qui échappe à l’apologie et au didactisme, en faisant le pari du décalage et du merveilleux. Alors que l’on pourrait s’attendre à un musée désuet, c’est au contraire un lieu inventif qui fait son miel du dépaysement, de la surprise et du contre-pied. Son succès repose en grande partie sur l’irruption du merveilleux et du sauvage au cœur de la ville.

Qui se douterait que l’hôtel de Guénégaud, le seul hôtel particulier construit par François Mansart entièrement conservé à Paris, et son voisin l’hôtel de Mongelas abritent un bestiaire extraordinaire où un gigantesque ours blanc fraye avec une invraisemblable hure animée imaginée par Nicolas Darrot, sous le regard d’une chouette de Jan Fabre ? Sommes-nous d’ailleurs bien dans un musée ? De prime abord, c’est davantage l’impression de pénétrer dans la maison habitée d’un chasseur amateur d’art qui frappe le visiteur, ou plutôt l’invité. Pensé comme un cocon intimiste fait d’une succession d’espaces à taille humaine, le lieu joue la carte de l’immersion et de la proximité afin de faciliter l’appropriation des œuvres. Une sensation d’intimité encore accrue dans les nouvelles salles logées dans les anciens espaces de service, et dont le caractère confidentiel contraste avec l’apparat de l’étage noble.

La dimension modeste des nouvelles salles sous combles et leur caractère intimiste ménagent des ambiances cosy et authentiques avec leurs matériaux chaleureux, notamment les épaisses poutres en bois. Le parcours exploite cette atmosphère évoquant tantôt un affût, tantôt un cabinet de curiosités. Le circuit propose aussi de revisiter un classique des musées d’antan : le diorama. Ici, point de mise en scène idéalisée, mais, au contraire, une réflexion sans concession sur l’impact de l’homme sur son environnement, par le biais d’une œuvre mêlant avec brio les peintures de François Malingrëy aux animaux naturalisés. En trois vitrines évoquant la faune et la flore fran­ciliennes, tout est dit sur l’anthropocène. Une œuvre aussi percutante qu’élégiaque qui devrait rapidement s’imposer comme un des emblèmes du musée.

Jean Daretet Nicasius Bernaerts, "Portrait de chasseur assis en compagnie de ses chiens" (1661) 

Acquis par préemption cet hiver, ce tableau vient admirablement enrichir le musée et renouveler la connaissance du portrait de chasse. Cette belle peinture inédite est en effet une des toutes premières représentations d’un chasseur en civil. Elle est antérieure de plusieurs décennies aux portraits de Desportes, considérés comme les premiers du genre en France. Loin de l’iconographie héroïque et virile, elle livre une image bonhomme et très actuelle d’un chasseur plein d’affection pour ses chiens.

Isabelle Manca

 

Musée de la chasse et de la nature, 62, rue des Archives, Paris-3e. Tarifs de 10 à 12 € (hors exposition temporaire de 6 à 8 €). www.chassenature.org

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°743 du 1 avril 2021, avec le titre suivant : Le musée de la chasse, de la nature et du merveilleux

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque