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Le Liechtenstein Museum, un musée bien doté

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 1 août 2007 - 1146 mots

Les acquisitions du prince Hans-Adam II pour son musée de Vienne dépassent celles des autres musées européens.

VIENNE - Le prince du Liechtenstein, souverain de l’un des plus petits pays d’Europe, dépense aujourd’hui pour ses collections davantage qu’aucun autre musée européen. Avec 34 000 habitants, ce pays est, à l’instar de Monaco et Saint-Marin, république enclavée dans le territoire italien, l’un des moins peuplés d’Europe. Aussi le Liechtenstein Museum n’est-il pas situé dans la minuscule principauté alpine mais en Autriche, pays voisin, où il occupe un palais baroque de Vienne. En avril, le directeur du musée, Johann Kräftner, nous a confié que son établissement « est le musée le plus dépensier du continent, peut-être à égalité [certaines années] avec le Louvre et le Rijksmuseum d’Amsterdam ».
Les comparaisons sont malaisées et l’acquisition, une année donnée, d’un chef-d’œuvre extrêmement coûteux peut fausser les statistiques, mais le prince Hans-Adam II, qui est à la tête de l’État, achète beaucoup plus à lui seul que la National Gallery et la Tate Gallery à Londres ou que les vingt et une institutions constituant les musées de Berlin. Ses dépenses restent confidentielles, mais atteignent probablement plusieurs dizaines de millions d’euros tous les ans. Elles dépassent de très loin celles de la collection royale britannique. En 2006, les achats de la reine se sont résumés à une série d’assiettes en porcelaine de 1830, de nombreuses aquarelles et une gravure.
Si le poids financier du Liechtenstein Museum est bien connu des grands marchands, il est demeuré discret aux yeux du monde de l’art au sens large. En novembre 2006, l’organisation britannique The Art Fund a publié une étude comparant le pouvoir d’achat des musées britanniques avec celui de grandes institutions internationales, sans même mentionner le Liechtenstein Museum.
Ces acquisitions sont d’autant plus étonnantes que, au milieu du XXe siècle, l’institution liechtensteinoise a vendu une grande partie de ses collections. En 1967, le Portrait de Ginevra de’Benci, de Léonard de Vinci, fut cédé à la National Gallery of Art de Washington. Le tableau était alors l’œuvre d’art la plus chère au monde, bien que le montant de la transaction n’ait jamais été révélé. Mais ces dernières années ont vu la situation évoluer et le prince Hans-Adam consacre désormais de fortes sommes à développer ses collections. Il le doit à la réussite financière de la principale source de revenus de sa famille, la LGT Bank de Vaduz, dont elle est propriétaire.

Qualité et état de conservation
En 2004, le prince a dépensé 25 millions d’euros pour réhabiliter son palais d’Été à Vienne, l’ouvrant au public et y exposant les pièces majeures de ces collections, qui appartiennent aujourd’hui à la fondation de la famille régnante. Vienne a été préférée à Vaduz en raison des liens historiques de la famille avec l’Autriche et pour sa situation, plus facilement accessible aux visiteurs étrangers que la minuscule capitale du Liechtenstein.
Le prince a pour conseiller le directeur du musée, Johann Kräftner, qui souligne que ses critères de sélection sont « la qualité et l’état de conservation ». En 2003, le prince a déboursé près de 2,3 millions d’euros pour le Portrait d’un homme, par Franz Hals, proposé par Sotheby’s à New York. Sa plus importante acquisition a été le Cabinet Badminton, emporté un an plus tard pour 28 millions d’euros, la somme la plus élevée jamais payée pour un meuble (lire l’encadré). Le prince Hans-Adam a récemment acquis auprès de Lord Northbrook neuf tableaux d’une valeur avoisinant 15 millions d’euros, dont un chef-d’œuvre de Michiel Van Musscher. L’une de ces œuvres, le Portrait du prince Don Diego par Alonso Sánchez Coello, estimée environ 3 millions d’euros, n’obtiendra son autorisation d’exportation de Grande-Bretagne qu’à l’issue d’un délai permettant éventuellement à un musée britannique de réunir cette somme.

Finement conseillé
Marsyas, un bronze « d’après Pierre Le Gros le Jeune », a également été acquis récemment. Mis en vente par le comte de Macclesfield, il avait été proposé chez Christie’s à Londres le 1er décembre 2005, sans atteindre son prix de réserve, et était resté invendu à 28 000 livres sterling (40 900 euros). Il a été acheté après la vente par le marchand londonien Daniel Katz pour 36 000 livres (52 500 euros), avant de revenir au début de cette année au prince Hans-Adam pour la somme stupéfiante de 850 000 livres (1,25 million d’euros). Même si cette œuvre intéressait le Victoria and Albert Museum, le musée londonien ne pouvait envisager de réunir une telle somme et, finalement, une autorisation d’exportation a été accordée en avril. Le prince du Liechtenstein est finement conseillé, et il n’est pas exclu, quand la sculpture sera exposée à la fin du mois de juin, qu’elle soit attribuée à Pierre Le Gros lui-même. Enfin, un autre chef-d’œuvre sera dévoilé avant la fin de l’année. Le Liechtenstein Museum vient en effet d’acquérir Diane et deux nymphes de Hans von Aachen, une toile monumentale dont Rodolphe II fut le premier propriétaire. La transaction privée s’est faite avec un collectionneur suédois.Johann Kräftner tient à renforcer les points forts de la collection, et souligne que, dans l’actuelle exposition « Biedermeier im Haus Liechtenstein » (« Biedermeier dans la maison Liechtenstein ») [jusqu’au 20 août], près du tiers des objets présentés ont été acquis au cours de ces cinq dernières années. Aujourd’hui, il se concentre surtout sur la peinture néoclassique et la sculpture romaine baroque.

Les dix acquisitions les plus importantes

- Le Cabinet Badminton, vers 1732
Vendeur : la collectionneuse américaine Barbara Piasecka Johnson. Acheté chez Christie’s, Londres, le 19 décembre 2004, 28 millions d’euros

- Alessandro Agardi, dit « l’Algarde », Éros et Antares, marbre, après 1630
Vendeur : un collectionneur privé. Achat privé en 2006

- Ferdinand Georg Waldmüller, Le Pèlerinage arrêté, 1853
Vendeur : un collectionneur autrichien. Acheté chez Dorotheum, Vienne (Autriche), le 30 novembre 2005, 1,3 million d’euros

- Friedrich Wilhelm von Schadow, Portrait de Felix Schadow, 1830
Vendeur : un descendant de l’artiste. Acheté chez Sotheby’s, Londres, le 13 juin 2006, 150.000 euros

- Domenico Guidi, Buste du Pape Alexandre VIII, bronze, 1598
Vendeur : un collectionneur privé. Acheté chez Fine Art and Heritage Ltd, Jersey, 2006

- Michiel van Musscher, Portrait d’un artiste, années 1660
Vendeur : Lord Northbrook. Acheté par le biais de Simon Dickinson, Londres (ainsi que la galerie Sanct Lucas à Vienne et la Galerie Nissi, Vaduz), 2006, 14,15 millions d’euros

- Joseph Heintz, Le Couronnement de la Vierge Marie, 1602
Vendeur : un collectionneur privé allemand (anciennement dans la collection du prince Hubertus Fugger-Babenhausen, Augsburg). Vente privée, 2006

- Franz Anton Maulbertsch, Le Mariage de la Vierge, 1755
Vendeur : un collectionneur privé (anciennement dans la collection du docteur Rinesch). Acheté auprès de la Galerie Sanct Lucas, Vienne, 2006

- Pierre Le Gros le Jeune (d’après), Marsyas, bronze, vers 1722
Vendeur : la famille du comte de Macclesfield. Acheté par le marchand londonien Daniel Katz chez Christie’s, Londres, le 1er décembre 2005, et vendu pour 1,25 million d’euros en 2007

- Daniel Gran, Sainte Elizabeth du Portugal, 1737
Vendeur : un collectionneur privé. Acheté auprès de la Galerie C. Bednarczyk, Vienne, 2007

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°261 du 8 juin 2007, avec le titre suivant : Le Liechtenstein Museum, un musée bien doté

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