Art moderne

Le Chapeau rouge de Gauguin

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 17 décembre 2019 - 407 mots

Orsay consolide son pôle postimpressionniste en s’offrant son 27e Gauguin, avec une œuvre atypique décrochée aux enchères pour une somme « modique ».

Un pedigree prestigieux

Redécouvert par Claire Bernardi, conservateur au Musée d’Orsay, lors de la préparation de l’exposition « Paul Gauguin, l’alchimiste », au Grand Palais en 2017, le tableau était depuis toujours en collection privée. Il a été offert par le peintre à Augusta Dohlmann, une artiste danoise spécialisée dans les natures mortes classiques. Il est ensuite resté durant des décennies au Danemark avant d’être racheté aux États-Unis par une des nièces de Mette, l’épouse bafouée de Gauguin !

Entre impressionnisme et symbolisme

Œuvre moins emblématique que ses compositions réalisées à Pont-Aven ou ses grands formats polynésiens, Le Chapeau rouge a été exécuté en 1886. Il constitue donc une charnière décisive dans la carrière de Gauguin, qui s’émancipe alors définitivement de l’impressionnisme pour définir un style plus radical et personnel. Le symbolisme de ce chapeau mystérieux ainsi que sa forte présence chromatique annoncent les lignes de force du synthétisme alors en germe.

L’étrangeté du quotidien

Le cadrage centré sur le chapeau, ainsi que la place démesurée qui lui est accordée et, surtout, sa présentation à l’envers confèrent à cet objet banal une dimension symbolique et énigmatique. Réalisée avec une grande économie de moyens, cette nature morte frappe ainsi par son étrangeté et son caractère spectaculaire. Une étrangeté du quotidien qui rattache ce tableau aux céramiques produites par Gauguin à la même époque et qu’il qualifiait lui-même de « petites monstruosités ».

Acquisitions en série

C’est une véritable pluie d’enchères qui s’abat sur Orsay depuis l’automne. Entre les préemptions et les ventes publiques, le musée consolide fermement son pôle postimpressionniste avec des pièces significatives ; tel l’Autoportrait aux nus d’Émile Bernard, acquis quelques jours seulement avant le Gauguin. Une politique d’acquisition cohérente et proactive qui positionne définitivement l’établissement comme un des musées de référence pour les collections postimpressionnistes.

293 000 €

C’est ce que l’on appelle « une affaire » ! Orsay s’est offert, avec le soutien de Léonard Gianadda, un Gauguin pour une somme plus que raisonnable. Le tableau a en effet été acheté chez Christie’s New York 325 000 dollars frais inclus (autour de 293 000 euros). Une somme modique qui s’explique par la nature de l’œuvre : les natures mortes de ses débuts étant moins prisées par les collectionneurs. Le musée a aussi bénéficié d’un effet d’aubaine, car cette enchère a eu lieu durant une période saturée en ventes publiques.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : Le Chapeau rouge de Gauguin

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