Ancien conservateur des Antiquités et Objets d’art de Saône-et-Loire, auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur l’art roman, le chanoine Denis Grivot, 77 ans, recherche avec passion et ténacité, depuis cinquante ans, les œuvres ou objets d’art ayant disparu de la cathédrale d’Autun. Son ambition : redonner au sanctuaire de saint Lazare un peu de la splendeur qui en faisait au XIIe siècle le rival de Vézelay.
AUTUN - Le chanoine Grivot traverse au pas de course la cathédrale sombre et glaciale. Il montre une fenêtre blanche des bas-côtés. Elle est prête, affirme-t-il, à recevoir les trois éléments de vitrail du XVIe siècle qu’il réclame au château de Champs-sur-Marne : un splendide soleil, un pélican et un phénix. "Je suis un véritable cerbère, répond Jean-Claude Menou, inspecteur général du Patrimoine et conservateur du château où sont entreposés tous les vitraux en attente de restauration. Je ne les laisserai sortir que si un marché de restauration a été passé avec un maître verrier et s’il existe une garantie de remontage". Mais il pleuvait à l’intérieur de la cathédrale, et l’État a donné la priorité à la réfection de la toiture…
Œuvres détruites, emportées sans retour, vendues ou tout bonnement volées, l’abbé Grivot se désole du laisser-faire. Heureusement, les célèbres chapiteaux et le tympan central, sculptés autour de 1130 par Gislebertus, ont échappé au dépouillement. Au Cloisters Museum de New York, Denis Grivot a retrouvé avec étonnement une précieuse vierge de bois du XIIe siècle. "Vendue sans contestation possible", déplore-t-il. Il revendique cinq tapisseries de la Savonnerie emportées pour restauration et mystérieusement réapparues à Reims, au Palais du Tau : "Elles ont été données à un évêque d’Autun à l’occasion du mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne, elles appartiennent à la cathédrale", s’insurge-t-il.
Réunir Adam et Ève
À Chalons-en-Champagne, Frédéric Murienne, conservateur régional des Monuments historiques, renvoie le chanoine à ses supérieurs hiérarchiques. "Ces tapisseries à motifs décoratifs n’ont d’ailleurs aucune valeur artistique", observe-t-il. Le chanoine, lui, n’en démord pas et se rend régulièrement à Reims. Il est également en conflit avec le Musée du Louvre, qui possède une tête de saint Pierre provenant de la cathédrale. "Cette sculpture du moine Martin a été volée et achetée irrégulièrement par le Louvre dans les années trente", dénonce le chanoine. "Pas du tout, réplique Brigitte de Chancel-Bardelot, conservatrice au département des Sculptures, cette tête a été vendue par un ancien conservateur du Musée d’Autun à un antiquaire, qui l’a vendue au Louvre". "C’est une des belles pièces de notre collection de sculpture romane", ajoute-t-elle, sans exclure la possibilité d’un retour sous forme de dépôt à long terme ou d’échange, par exemple. Mais, à ses yeux, une telle exception ne pourrait se justifier que si l’on retrouvait à Autun la part manquante de la statue.
Une autre recherche passionne le chanoine : retrouver l’Adam qui accompagnait la célèbre sculpture de Gislebertus, la Tentation d’Ève, dont l’existence est attestée, selon lui, par un manuscrit du XVIIIe siècle. La Tentation d’Ève ornait le linteau du portail nord et avait été vendue en 1766 par le clergé à un entrepreneur local, comme matériau de construction ! Elle a été redécouverte dans le mur d’une pharmacie de la ville et rachetée par un prédécesseur de l’abbé Grivot, qui l’a donnée au musée de la Ville. "Il y a de fortes chances pour qu’on trouve Adam dans le mur d’une maison d’Autun, indique Denis Grivot, et je mettrais ma main au feu que c’est la copie conforme du personnage couché nu du chapiteau du martyre de saint Vincent". Le chanoine fouille les archives, tandis que les Monuments historiques et la Ville sondent les murs dès que des travaux sont entrepris dans une maison ancienne…
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Le chanoine et ses trésors
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°36 du 18 avril 1997, avec le titre suivant : Le chanoine et ses trésors