PARIS
1969 Laurent Le Bon (52 ans aujourd’hui) masque son hypersensibilité derrière une ironie mordante à l’égard de lui-même et une déférence pour ses interlocuteurs dont il ne faut pas être dupe. Il a le cerveau d’un surdoué qu’atteste un parcours scolaire de premier de la classe. À 20 ans déjà il est diplômé de Science Po Paris (section service public). Mais alors que ses camarades de promotion préparent l’ENA ou se lancent dans la finance, lui bifurque vers l’histoire de l’art et entre à l’École du Louvre. Il réussit quelques années plus tard le concours de conservateur dont il sort major de sa promotion en 1993. Nouvelle bifurcation : au lieu d’entrer dans un musée d’État, il rejoint un certain Alfred Pacquement à la Délégation aux arts plastiques du ministère de la Culture pour s’occuper de la commande publique.
2000 Alfred Pacquement fait de nouveau appel à lui lorsqu’il prend la direction du Musée national d’art moderne (Mnam) ; Laurent Le Bon y intègre l’équipe de conservateurs. La même année, il est le commissaire d’une exposition qui a fait beaucoup parler d’elle sur les nains de jardin à Bagatelle et qu’il aime peu qu’on lui rappelle, préférant mettre en avant l’exposition « Dada » au Centre Pompidou en 2005 et celle sur « le vide dans les expositions » en 2009 (« Vides, une rétrospective »). Dada, les nains de jardins, le vide résument assez bien l’inventivité, le goût pour la subversion et l’approche intellectuelle du commissaire. Des qualités auxquelles on peut ajouter un certain conformisme comme en témoignent les « shows » Koons ou Murakami à Versailles dont il est l’auteur.
2008 Il se porte volontaire pour préparer l’inauguration du Centre Pompidou-Metz dont le chantier de construction a démarré deux ans plus tôt. C’est là qu’il fait ses armes en tant que directeur d’établissement : le centre d’art est inauguré en 2010 et accueille 800 000 visiteurs la première année, un record pour un musée en région. Il y organise des expositions qui font date telles que « 1917 ». Mais il sait aussi entretenir ses réseaux à Paris en entrant dans le « Conseil de la création artistique » voulu par le président Nicolas Sarkozy et piloté par le producteur Marin Karmitz, ou en assurant le commissariat de la Nuit blanche 2012. Un réseau cependant pas assez solide pour le propulser à la direction du Musée national d’art moderne en 2013, qui lui échappe alors.
2014 L’épisode raté de la direction du Mnam l’a meurtri. Alain Seban, le président de l’époque, lui avait pourtant laissé entendre qu’il en avait toutes les qualités – peut-être pour mieux pousser son candidat : Max Hollein, lequel s’est finalement désisté. Sa candidature commune avec la conservatrice Catherine Grenier lui a valu des moments difficiles avec le Centre Pompidou. Il trouve un peu d’apaisement lorsqu’on lui confie la direction du Musée national Picasso après le limogeage d’Anne Baldassari, alors en conflit avec une partie du personnel. Il est renouvelé en 2019 mais a toujours en tête le Centre Pompidou.
2021 Cette fois c’est son tour et c’est l’apothéose. Ce n’est pas la direction du musée qui lui est confiée, mais la présidence du Centre Pompidou. Donné gagnant par le milieu, Laurent Le Bon a définitivement emporté l’adhésion du président Emmanuel Macron au terme d’une procédure de recrutement qui aura mis jusqu’au bout ses nerfs à vif. Il a maintenant cinq ans (la durée du premier mandat) pour choisir un directeur à la tête du musée (quel retournement de situation !), faire exister le Centre pendant sa longue période de fermeture pour travaux et définir le nouveau projet scientifique et culturel d’un établissement qui a besoin d’un nouveau souffle.
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Laurent Le Bon : une nomination en forme d’apothéose pour le conservateur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou : Une nomination en forme d’apothéose pour le conservateur