Benoît Decron, conservateur en chef du Musée de l’abbaye Sainte-Croix des Sables-d’Olonne (Vendée), présente Femme avec un oiseau dans les cheveux (1990) de Rémi Blanchard.
Le Musée de l’abbaye Sainte-Croix des Sables-d’Olonne est une institution d’art moderne et contemporain au cœur de la Vendée. Créé depuis 1963 par le conservateur Pierre Chaigneau, il n’a cessé de croître avec des collections d’exception, notamment les fonds Gaston Chaissac (48 œuvres, une nombreuse correspondance) et Victor Brauner (52 œuvres). Depuis plus de quarante ans, le musée poursuit une programmation outsider, indépendante des courants de mode et des prescriptions officielles.
L’œuvre de Rémi Blanchard Femme avec un oiseau dans les cheveux (1990) a gagné les collections après une rétrospective menée par le Musée des beaux-arts de Quimper (Finistère) et celui des Sables-d’Olonne en 2003-2004. Issu d’une famille nombreuse, baigné dans un milieu catholique ouvrier, Rémi Blanchard (1958-1993) a passé son enfance entre Nantes et la Vendée. Il se lie rapidement d’une amitié admirative avec le critique et romancier Bernard Lamarche-Vadel, qu’il côtoie en tant que professeur aux Beaux-Arts de Quimper. Il devient l’une des personnalités de la Figuration libre, créée par Ben (Benjamin Vautier) à Nice et adoubée par Lamarche-Vadel. En 1981, Blanchard participe à l’exposition collective organisée par ce dernier dans son loft de la rue Fondary [Paris 15e], « Finir en beauté », un titre repris à l’écrivain Kawabata. La liste des artistes retenus n’est pas suffisamment cohérente pour définir une école patentée. Se dégagent pourtant des personnalités telles que Robert Combas, Hervé puis Buddy Di Rosa, François Boisrond et Rémi Blanchard, taiseux et perpétuellement tombé de la lune. Rejetant l’enseignement minimaliste et peu incarné des écoles d’alors, ils bousculent l’iconographie réaliste avec la bande dessinée, les dessins animés, les devantures de Barbès, les chansons populaires… Aussi célèbres que des pop stars, ces artistes exposent partout en France et aux États-Unis : à Paris, à l’ARC [Musée d’art moderne de la Ville de Paris] ; à New York, au PS1 [Contemporary Art Center] et chez Leo Castelli ; à Nice pour « L’air du temps » ; au Musée de Saint-Étienne… Plus dure sera leur chute, qui précédera un longuet purgatoire.
L’iconographie de Rémi Blanchard diffère de celle de ses amis. Elle écarte la violence pour s’attacher au domaine insaisissable des contes de fées, des histoires animalières. Dès 1981, date de son exposition à la galerie Yvon Lambert [Paris], il peint le chat, le cerf (une victime), le galion (échoué), la plage, la lande (déserte), le vagabond, la roulotte, la nuit… Les peintures de Blanchard campent résolument dans le magique, dans le silence étrange des animaux sauvages et domestiques. Vivant avec des humains comme dans les fables, sans doute s’expriment-ils à leur place. Quand Combas ou Di Rosa jouent les Stray Cats, Blanchard écoute Bach ; quand ils feuillettent Mr Natural, il choisit « Les Albums du Père Castor ».
Poésie discrète
La pièce reproduite coïncide avec une seconde époque de l’œuvre, après des voyages décisifs en Asie du Sud-Est et aux États-Unis. D’un format important, Femme avec un oiseau dans les cheveux reprend le thème de la jeune fille « matissienne » aux longs cheveux et au visage en amande. Image amoureuse, paisible, pourrait-on dire. L’oiseau se confond avec la chevelure, comme une pièce de jeu de construction, un élément normatif. Blanchard procède toujours ainsi par association d’icônes et de symboles simples, un abécédaire. Constellée de motifs de fleurs, de pastilles argentées, la chemise rappelle la célèbre Blouse roumaine de Matisse. Même souci décoratif, même simplification. Les couleurs sont fraîches, basiques, des violets, des jaunes d’or, des verts tendres. L’atmosphère ramène à l’image enfantine, à celle d’un paysage campagnard, en nuit américaine.
Rémi Blanchard, disparu prématurément – en 1990, il perd son chat dans l’incendie de l’entrepôt-atelier du quai de Seine –, incarne un courant d’images et de musique sommairement daté des années 1980 (Étienne Daho, Pierre et Gilles, les Rita Mitsouko, Louis Jammes). Sa poésie discrète, faussement candide a sa place au musée auprès d’autres artistes tels que Robert Combas, Philippe Hortala, Henri Bassmadjian, voire Peter Saul.
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Benoît Decron, conservateur en chef du Musée Sainte-Croix des Sables-d’Olonne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°226 du 2 décembre 2005, avec le titre suivant : Benoît Decron, conservateur en chef du Musée Sainte-Croix des Sables-d’Olonne