« Ce sont les objets qui nous choisissent et non le contraire. Il suffit de tendre l’oreille, ils nous appellent de toutes leurs forces », nous confiait, il y a peu, le collectionneur suisse Jean Paul Barbier-Mueller.
Car il s’agit bien d’affinités électives, au-delà des civilisations et des époques, qui lient cet homme d’une érudition vertigineuse avec les quelque sept mille pièces qui constituent son « musée idéal ». Soit un rassemblement d’œuvres à faire se pâmer de jalousie tous les conservateurs de la terre et qui reflète, plus que tout long discours, les multiples passions de celui qui a hissé l’amour du Beau au rang de religion.
L’ascendance de ses pères
Cimiers de masques et boucliers africains, terres cuites précolombiennes, effigies d’ancêtres du nord de Sumatra, idoles cycladiques taillées dans le marbre il y a plus de cinq mille ans, mais aussi tambours de bronze de l’antique Vietnam… Aucune œuvre façonnée de main d’homme ne semble échapper à son regard, ou plutôt à cet « œil de chaman » qui lui fera distinguer l’étincelle divine du créateur inspiré, du geste mécanique de l’obscur tâcheron.
Et pourtant, rien, de prime abord, ne prédestinait ce jeune homme suisse de bonne famille à embrasser cette carrière de « traqueur du Beau ». Certes, l’influence de son père – brillant scientifique, mélomane et philosophe à ses heures perdues – sera considérable sur la formation intellectuelle et esthétique du jeune étudiant en droit, qui fréquentait les librairies du vieux Genève dès l’âge de treize ans !
Mais c’est véritablement la rencontre, en 1952, avec Monique, la fille du célèbre collectionneur suisse Joseph Mueller, qui allait définitivement sceller son destin. Là, dans « l’antre magique » de son futur beau-père, il découvre, entassées pêle-mêle, plus de mille toiles de grands maîtres (de Ferdinand Hodler à Kandinsky en passant par Cézanne, Léger et Picasso) non loin d’une « tribu » de masques et « fétiches » de toutes origines (africains, océaniens, précolombiens…). Il n’en faudra pas plus pour que le jeune Jean-Paul succombe à son tour à une « collectionnite aiguë » aussi durable qu’incurable !
Faire œuvre de celles d’autrui
« Créer une œuvre faite des œuvres d’autrui, puisque je ne possédais aucun des dons comblant les véritables créateurs », sera ainsi le credo d’un homme qui conjuguera, tout au long de son existence, la passion du collectionneur et le pragmatisme du chef d’entreprise et du directeur de musée. Si le premier obéit à ses impulsions en courant les salles de ventes ou les galeries à la recherche de l’objet rare, le second organise, depuis plus de trente ans, de mémorables expositions, tout en se livrant à une activité frénétique d’acquisitions, de donations et de publications.
Mais le jardin secret de cet « humaniste du xxie siècle » est, sans conteste, sa bibliothèque d’éditions rares de poètes et d’écrivains de la Renaissance française, sur lesquels il prépare un savant ouvrage. Rien de ce qui est humain n’est décidément étranger à Jean Paul Barbier-Mueller…
1930
Naissance à Genève (Suisse).
1958
Après des études de droit, il devient directeur d’une société financière à Genève.
1977
Avec son épouse, crée le musée Barbier-Mueller à Genève.
1997
Ouverture du musée Barbier-Mueller d’Art précolombien à Barcelone.
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Barbier-Mueller, l'œil du chaman
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Abonnez-vous dès 1 €« Art du métal en Afrique », Musée Barbier-Mueller, 10 rue Jean-Calvin, Genève (Suisse), jusqu’au 15 février 2009, www.barbier-mueller.ch
« Chefs-d’œuvre de l’art précolombien », Musée Barbier-Mueller, Montcada, 14, Barcelone (Espagne), www.barbier-mueller.ch
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°610 du 1 février 2009, avec le titre suivant : Barbier-Mueller L'œil du chaman