PARIS
Présent - Cela deviendrait presque une habitude : chaque automne, on se félicite de la programmation des expositions parisiennes, toujours plus riche que celle des saisons précédentes. Paris n’est peut-être plus la capitale artistique qu’elle fut, mais elle s’est imposée ces dernières années comme la capitale des expositions. Dans sa roue, Londres et New York ne la surpassent pas en nombre d’événements ni même, disons-le, en matière de savoir-faire. À elles le marché de l’art ; à Paris l’histoire de l’art. Combien de visiteurs auront-ils la chance de visiter toutes les expositions dites immanquables de cet automne ? Il y a « Picasso, Bleu et rose » au Musée d’Orsay, incroyable réunion de chefs-d’œuvre que l’on ne reverra pas de sitôt ; « Le cubisme » au Centre Pompidou, véritable leçon magistrale sur ce courant artistique qui a bouleversé l’histoire de la peinture au XXe siècle ; « Miró », monographie en tous points exemplaire au Grand Palais ; et, bien sûr, « Schiele » et « Basquiat » à la Fondation Vuitton qui, si l’on regrette qu’elles n’apportent rien de neuf sur les deux artistes, n’en constituent pas moins deux des très belles affiches de la rentrée. Mais il y a aussi, dans une moindre mesure, « La collection du marquis Campana » au Louvre, « Caravage » à Jacquemart-André, « Giacometti » chez Maillol, « Nadar » à la BnF, « Éblouissante Venise ! » au Grand Palais, « Alphonse Mucha » au Musée du Luxembourg, etc. Nul besoin d’être grand clerc pour deviner que la concurrence est rude entre ces grandes expositions – au bénéfice, il est vrai, du public. Alors, imaginez pour les « petites » expositions ! Celles dont on n’entend pas toujours parler, dans le brouhaha médiatique, ailleurs que dans L’Œil. Celles, pourtant, dont l’originalité du propos, l’audace et l’apport dans l’histoire de l’art sont comparables voire supérieurs aux blockbusters précédemment cités. Cet automne, à Paris, il ne faut ainsi par manquer de découvrir « Jômon, Naissance de l’art dans le Japon préhistorique » à la Maison de la culture du Japon et « Trésors de Kyoto, Trois siècles de création Rinpa » au Musée Cernuschi, qui présentent toutes deux des trésors jamais sortis du Japon. Sans oublier de faire un crochet par la Fondation Cartier et son exposition « Géométries Sud », le Musée d’art et d’histoire du judaïsme (« Sigmund Freud, Du regard à l’écoute »), et par le Palais des beaux-arts, quai Malaquais, pour découvrir de l’Art brut avant la lettre : les dessins inédits de Georges Focus, un académicien fou sous Louis XIV. Il ne faut pas non plus faire l’impasse sur les expositions du Musée de Cluny (« Naissance de la sculpture gothique ») et du Musée Bourdelle, qui reste fidèle à l’esprit du sculpteur en organisant « Transmission/Transgression ». Dans cette dernière présentation, dont il faut souligner le didactisme – on y apprend, par exemple, comment on reportait à l’époque une sculpture en plâtre sur la pierre –, le propos ne tourne pas autour de la forme en sculpture, mais de son enseignement et de son apprentissage. Ou comment Bourdelle, élève de Falguière et praticien de Rodin, a formé une génération d’artistes aussi différents que Giacometti, Richier, Vera Moukhina (artiste soviétique qui réalisa la sculpture brandissant faucille et marteau sur le pavillon de l’URSS en 1937), Otto Gutfreund ou Bror Hjorth (dont la Jeune Fille cubiste a l’étrangeté d’un Goldorak en bronze). C’est incontestable, Paris est bien devenue la capitale mondiale des expositions. Les « grandes », mais pas seulement.
Futur - Difficile d’avoir échappé à cette information : une œuvre créée par l’intelligence artificielle a vu sa valeur s’envoler lors d’une vente aux enchères en octobre. Si la maison Christie’s en espérait 10 000 dollars, le Portrait d’Edmond de Belamy a finalement été adjugé pour 432 500 dollars. Cette œuvre fait partie d’une série de onze, dont le Portrait de Madame de Belamy que nous reproduisons en couverture, générées par un algorithme informatique inventé par Ian Goodfellow – « bel ami » en anglais –, qui a donné son nom à la série. C’est donc une base de données riche de 15 000 portraits peints entre le XIVe et le XIXe siècle qui a réalisé ces œuvres « originales » aux effets pixelisés. Que le collectif Obvious, qui a « signé » lesdites œuvres, ne soit pas à l’origine un collectif d’artistes – deux de ses membres sortent d’une école de commerce, le troisième étant chercheur – ne constitue visiblement pas un problème : « On aime à dire que les portraits de la famille Belamy procèdent d’une démarche artistique d’Obvious dont la machine prend en charge la part créative », a confié le collectif au Journal des Arts. Soit ! Mais s’agit-il pour autant d’art ? Assurément plus un coup médiatique destiné à promouvoir l’image de Christie’s. Pourtant, cet épisode est révélateur de la place de plus en plus grande que prennent les nouvelles technologies auprès des artistes. Une révolution est en marche. L’intelligence artificielle, la réalité augmentée et l’impression 3D font désormais partie des nouveaux outils de l’art contemporain. C’est ce que révèle en tout cas l’enquête que nous réalisons ce mois-ci sur les « nouvelles formes d’art ». Bienvenue dans le futur proche.
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Présent Futur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Présent Futur