Quelle est la valeur de l’art ? C’est la question qui se pose implicitement après les dernières révélations sur le sort probable réservé au Cri de Munch volé en août 2004 à Oslo. Ce triste événement vient en effet rappeler que les œuvres d’art concentrent en elles-mêmes une somme de valeurs qui dépassent leur seule dimension artistique. À plus d’un titre, le cas du Cri est en ce sens emblématique, et il n’est pas de hasard si les voleurs se sont justement portés sur cette œuvre singulière.
Depuis sa composition, en 1893, cette peinture troublante, « sur-naturelle », a déchaîné une somme d’exégèses – des lectures sérieuses aux plus farfelues, des interprétations pleines de raison aux plus mystiques. Ce cri d’angoisse lancé dans un environnement tourmenté par un personnage dont le visage se confond avec celui d’un crâne est l’un des chefs-d’œuvre de l’expressionnisme, toutes écoles confondues. Aussi, en subtilisant ce tableau, les voleurs ont non seulement porté atteinte à une peinture, mais également à l’un des chefs-d’œuvre du patrimoine norvégien.
En l’occurrence, l’œuvre n’est plus dérobée pour ses qualités esthétiques, mais pour sa dimension dans l’imaginaire d’un peuple, et pour le choc médiatique que va constituer sa disparition. Cette attaque annonce un nouveau danger pour les musées, qui devaient jusqu’alors se protéger de malfrats guidés par l’appât du gain ou téléguidés par des collectionneurs d’art peu scrupuleux. Dans cette affaire, ce n’est plus l’œuvre elle-même qui intéresse, et c’est ce qui est encore plus scandaleux. Pour preuve, les malfaiteurs se sont certainement débarrassés du Cri comme d’un objet sans valeur. Ce vol marque ainsi une nouvelle escalade du glissement des valeurs dans notre société de l’information : le tableau devient un instrument pour mobiliser les médias.
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La valeur de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°226 du 2 décembre 2005, avec le titre suivant : La valeur de l’art