A peine êtes-vous entré dans son atelier qu’il vous invite à vous asseoir à la table qu’il a installée sous une mezzanine qui lui sert de lieu de stockage.
Ayant pris soin de préparer tasses, cuillères, petits biscuits et sachets ad hoc, il vous propose de boire un thé ou un café, s’empresse de vous servir puis s’installe en face de vous comme pour un entretien. Il se cale alors sur sa chaise, pose ses bras sur le plateau de la table, joint ses mains en signe d’attention. Barthélémy Toguo a le sens de l’hospitalité et de l’écoute. Il tient cela d’une forme d’éducation non seulement qu’il a reçue mais qu’il s’est donnée, toujours curieux d’aller à la rencontre de l’autre pour en apprendre plus sur lui-même.
Faire œuvre utile
Né à M’Balmayo au Cameroun, en 1967, Toguo a toujours été impatient d’arpenter le monde. Après avoir fréquenté l’école des Beaux-Arts d’Abidjan puis celle de Grenoble, il a vécu en Allemagne, en résidence à l’Académie de Düsseldorf, pour s’installer finalement à Paris où il a fondé une famille. Cela ne l’empêche nullement d’aller et venir sans cesse entre les quatre coins de la planète, surtout depuis une petite dizaine d’années que le succès est venu et qu’on le sollicite de toutes parts.
« Que croyez-vous que soit un artiste ?, disait Picasso. Un imbécile qui n’a que des yeux s’il est peintre, des oreilles s’il est musicien, ou une lyre à tous les étages du cœur s’il est poète, ou même s’il est boxeur, seulement des muscles ? Bien au contraire, il est en même temps un être politique, constamment en éveil devant les déchirants, ardents ou doux événements du monde, se façonnant de toutes pièces à son image. »
Barthélémy Toguo n’est ni peintre, ni musicien, ni poète. En revanche, peut-être est-il un peu boxeur. Plus assurément, c’est un artiste. Un artiste attentif aux humeurs et aux rumeurs du monde, qui s’en nourrit et en nourrit son œuvre. Les paroles de Picasso résonnent d’intelligence chez lui avec le choix qu’il a fait de ne pas couper les ponts entre l’art et la vie. De ne pas se contenter de dire le monde mais d’agir sur lui. De ne pas se suffire de faire son œuvre mais de faire œuvre utile.
Rapports Nord-Sud
Très attaché à sa terre et à sa culture, Barthélémy Toguo a créé de toutes pièces à Bandjoun, en plein cœur de son pays natal, un centre d’art nommé Bandjoun Station où il organise rencontres, débats et expositions. Une façon de remettre en question la dynamique à sens unique qui règle la politique culturelle d’exportation de la culture africaine vers l’Occident en orchestrant dans son lieu la confrontation entre formes d’art et de pensées issues d’horizons différents.
Particulièrement sensible à tous les mécanismes sociaux et politiques qui règlent les relations entre le Nord et le Sud, Barthélémy Toguo n’a de cesse d’inventer toutes sortes de formes plastiques, de la performance à l’installation en passant par la sculpture, la photo et la vidéo, qui interrogent ceux-ci, les analysent et les démontent, voire les dénoncent. Dessinateur hors pair, il développe une œuvre graphique dont la figure humaine est le sujet primordial et qui opère en synthèse d’une réflexion sur le corps et son rapport à l’autre et au monde.
1967 Naissance au Cameroun.
1989-1993 Études d’arts plastiques à Abidjan, Grenoble et Düsseldorf.
1996 « Transit », performances dans des gares et des aéroports.
1999 Fonde un centre d’art au Cameroun, le Bandjoun Station.
2000 Biennale de Lyon.
2004 Palais de Tokyo.
2007 Refuse de participer au pavillon africain de la Biennale de Venise.
2010 Exposé au Salon du dessin contemporain à Paris par la galerie Hadrien de Montferrand [lire p. 22].
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Barthélémy Toguo - Dire le monde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°624 du 1 mai 2010, avec le titre suivant : Barthélémy Toguo - Dire le monde