« Le garçon est né en 1917 à Zürich l’année de la révolution russe. Il aurait pu y rencontrer Lénine qui vivait encore là à cette époque. » Si le garçon en question ne l’a pas rencontré, dès lors qu’il grandit, il en épousa l’idéologie. Du moins le versant fraternel et généreux.
En route aujourd’hui vers ses 93 ans, Gottfried Honegger, qui n’hésite jamais à se réclamer du marxisme, n’a rien perdu de cette passion pour l’art qu’il a cherchée à communiquer d’arrache-cœur toute sa vie.
Une écologie de l’esthétique
Figure majeure d’un art concret qu’il a porté – en toute complicité avec sa compagne Sybil Albers – sur les fonts baptismaux d’un centre d’art qui lui est exclusivement consacré, Honegger est une sorte de merveilleux bâtisseur. Comme jadis on en parlait à propos des cathédrales. L’œuvre qu’il a construite est diverse : il y a sa production plastique, tout d’abord, faite pour l’essentiel de peintures et de sculptures puissamment colorées qui marient poésie, géométrie et sérialité ; il y a sa production théorique, ensuite, gourmand qu’il est des mots comme des formes, toujours soucieux de les proposer en réflexion à l’autre ; il y a cet Espace de l’art concret, enfin, à Mouans-Sartoux, qu’il a gouverné pendant plus de dix ans, auquel il a fait don avec sa compagne Sybil Albers d’une énorme collection et auquel il a insufflé un esprit prospectif et radieux.
« Parfois, je suis moi-même d’avis que tout livre qui n’est pas consacré à empêcher la guerre, à créer une société meilleure et ainsi de suite, est sans raison, vain, irresponsable, ennuyeux, indigne d’être lu, inadmissible », écrit quelque part le grand intellectuel suisse Max Frisch dont Gottfried Honegger était le plus vieil ami. Il suffirait de changer « tout livre » par « toute œuvre d’art » pour que ces paroles deviennent siennes.
Engagé, Gottfried Honegger n’a cessé de l’être et le combat qu’il a mené contre la conception individualiste, solitaire et narcissique qu’engendre de son point de vue l’idée de tableau l’a conduit à penser et à imaginer une forme d’art construit qui en appelle volontiers à l’architecture comme superstructure d’une écologie de l’esthétique. Un art qui privilégie par ailleurs l’expérience plastique à la contemplation.
L’artiste s’est aussi attaché à penser l’art en termes de pédagogie, et le fondateur de l’Espace de l’art concret s’en est donné à cœur joie en créant un outil-pilote – le viseur – à destination des enfants pour leur apprendre à regarder.
Une belle leçon de fraternité
Au printemps 2007, alors qu’il avait déjà passé la main, Gottfried Honegger a été invité à exposer à Mouans-Sartoux. Que croyez-vous qu’il fît ? Qu’il occupe à lui seul tous les espaces et fasse grand étalage de son œuvre accompli ? Que nenni ! Honegger n’est pas de cette engeance. Au contraire, il a tapé dans ses mains comme pour appeler à un grand rassemblement avec ses vieux complices et amis : Hans Arp, Josef Albers, Max Bill, Aurélie Nemours, François Morellet, Sam Francis… C’était là non seulement une façon festive de donner à voir le meilleur de ce qui existe en matière d’art concret, mais une belle leçon de fraternité. Pour sûr, le mot qui importe le plus à Gottfried Honegger.
1917
Naît à Zürich.
1937
Graphiste publicitaire.
1957
Premier Tableau-relief.
1968
Œuvres sculptées.
1990
Fonde avec Sybil Albers l’Espace de l’art concret (EAC).
2007
« Honegger, des rencontres... qui m’ont marqué » à l’EAC.
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Gottfried Honegger - Le bâtisseur de l’art concret
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Abonnez-vous dès 1 €Espace de l’art concret,
Château de Mouans-Sartoux (06), www.espacedelartconcret.fr
Gottfried Honegger est représenté par la galerie Lahumière,
17, rue du Parc-Royal, Paris IIIe, www.lahumiere.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°620 du 1 janvier 2010, avec le titre suivant : Gottfried Honegger - Le bâtisseur de l’art concret