La terre, plus forte que lui.
L’homme était petit, timide, tantôt étonné, tantôt inquiet. « Je suis, disait-il, d’un naturel tragique et taciturne. Je suis assez équilibré, mais tout me dégoûte : la vie me paraît absurde. Je pense que tout va toujours tourner très mal. S’il y a quelque chose d’humoristique dans ma peinture, je ne l’ai pas cherché consciemment. » Joan Miró (1893-1983) a su construire avec une formidable liberté une œuvre dense, nourrie des rêves, des peurs et des inquiétudes enfouis au plus profond de chacun de nous.
Le musée Thyssen-Bornemisza de Madrid a fait le choix d’aborder le travail de l’artiste catalan sous un angle bien particulier : sa passion pour la terre et sa fascination pour les excès, la fécondité, la sexualité et la mort. Incontestablement, Miró fait partie de cette grande famille d’artistes dionysiaques, féconds jusqu’à leurs derniers jours, pour lesquels créer c’est d’abord embrasser le monde avec toute son énergie, sans retenue.
Sensible à la force primitive des paysages de Catalogne, il fait, à partir de 1911, de fréquents séjours à Montroig (montagne rouge en catalan), dans une ferme acquise par sa famille. Il déclarera en 1975 : « C’est la terre, la terre : quelque chose de plus fort que moi. Les montagnes fantastiques jouent un rôle dans ma vie, et le ciel aussi. Pas dans le sens du romantisme allemand, c’est le choc de ces formes sur mon esprit plus que la vision. À Montroig, c’est la force qui me nourrit, la force. » Montroig, vignes et oliviers (1919), ou La Ferme (1921-1922), acquise par Hemingway, témoignent de cette volonté de transcrire sur sa toile, avec un grand souci du détail, un véritable amour de la campagne.
Rapidement, Miró se dégage de toute convention picturale. Son objectif est d’« atteindre de plus en plus un maximum de clarté, de puissance et d’agressivité plastique ». Toujours, des petites formes apparaissent, soigneusement peintes sur la toile, mais elles évoluent sur des surfaces de plus en plus dépouillées. Miró se bat désormais avec la matière même de la peinture. Dans un corps à corps ininterrompu avec la toile, le peintre puise dans les puissances telluriques de sa Catalogne natale une énergie toujours renouvelée, avec l’ambition jamais assouvie « qu’on comprenne que j’ai aidé à libérer, pas seulement la peinture, mais l’esprit des hommes ».
« Miró, la tierra », musée Thyssen-Bornemisza, Paseo del Prado 8, Madrid (Espagne), www.museothyssen.org, jusqu’au 14 septembre 2008.
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Joan Miró
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°604 du 1 juillet 2008, avec le titre suivant : Joan Miró