Sur la toile blanche de ses nuits noires, Fellini assiste jour après jour au spectacle lumineux de ses rêves endormis.
Usant de ses talents au crayon qui lui ont déjà permis de faire à ses débuts dessinateur de presse et d’entrer en cinéma comme script, il les enregistre au matin venu sur ses carnets, les documente, les raconte et les illustre tant qu’il peut y avoir accès, s’en souvenir, les imager. Avec cette réédition chez Flammarion, c’est l’intégralité de ce travail, qui s’étend sur trente années de 1960 à 1990, dont nous tenons les fac-similés entre nos mains. Au fil des pages, avec une constance attentive, Fellini semble y aborder la richesse foisonnante de ses rêves sans filtre existentiel, psychologique ou philosophique, comme le spectateur privilégié du cinéma de son sommeil. C’est un accès presque immédiat à une source de créativité intarissable et bigarrée. Une rencontre de soi à soi, comme celle qui opère entre un auteur et son spectateur autour d’une œuvre. Un auteur frontalier, à demi étranger, à demi familier. Naturellement, nous y retrouvons, comme saisies à leur source, les caractéristiques fondatrices de son style cinématographique qui joue des confusions de narration, de temps et de lieux, et de la capillarité naturelle entre rêve, imaginaire, hallucination et réalité. Aussi, quelques incursions notables de tirage du Yi-King parsèment les pages et témoignent d’une quête d’un prolongement, d’un scénario, d’un sens profond, par des voies divinatoires et plus allégoriques qui lui permettraient de contourner efficacement trop de rationalisations. Car après aujourd’hui plus de cent vingt ans d’un intérêt continu d’exploration et de « science des rêves », de Sigmund Freud à Salvador Dalí, de Michel Jouvet à Michel Gondry, la logique onirique fascine et questionne toujours autant. Et Fellini, qui s’inscrit par son œuvre au pinacle d’une multitude de créateurs, chercheurs, arpenteurs de cet autre hémisphère de l’existence, nous livre ici sans fard un document rare. Jamais auparavant nous n’aurons eu accès à la transcription imagée de l’intégralité de ses propres rêves par un artiste majeur ainsi qu’à la portée qu’ils auront eue dans sa créativité, dans son œuvre et dans sa vie.
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Vingt-cinq imaginaires par seconde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°745 du 1 juillet 2021, avec le titre suivant : Vingt-cinq imaginaires par seconde