MONTREAL / CANADA
La 32e édition du Festival international du film d’art à Montréal a décerné 14 prix. Un choix très classique parmi 38 concurrents pas toujours très inspirés.
Au terme d’une compétition un peu terne entre trente-huit films d’art sélectionnés, le 32e Festival international du film d’art de Montréal (Fifa) a très justement récompensé du Grand Prix, le film produit par la branche écossaise de la BBC, Vivian Maier : Who Took Nanny’s Picture ? Le film de soixante-dix minutes réalisé par Jill Nicholls (auteur précédemment d’opus dédiés à Louise Bourgeois, Doris Lessing ou Eadweard Muybridge) est d’ailleurs visible en France, au sein de l’exposition consacrée à la photographe au château de Tours.
Étonnamment, le festival n’avait pas choisi de présenter au public un autre film consacré au même sujet, Finding Vivian Maier qui sortira sur les écrans français le 2 juillet prochain. Réalisé par John Maloof, principal découvreur et promoteur des centaines de milliers de photographies et films pris depuis les années 1950, le film enquête lui aussi avec brio sur ce fascinant personnage. Il faut dire que le sujet est captivant et se révèle difficile à percer à jour. Les deux films se lancent sur les traces de cette femme secrète qui aimait se dire espionne, et dont les images ont révélé leur puissance après avoir été découvertes au hasard d’une vente aux enchères en 2007. À partir des années 1950, Vivian Maier se sera partagée entre la photographie qu’elle n’exposera jamais, et son métier de gouvernante tantôt fantasque tantôt sévère. Le film contraste entre la fascination de certains de ses anciens protégés et d’autres carrément traumatisés par une femme brutale et impatiente. Il n’était pas rare qu’elle traîne une des petites filles à sa charge dans les quartiers malfamés de Chicago à la recherche de l’image parfaite, faisant fi des états d’âme de l’enfant.
Picasso et Koole relèvent la sélection
Le film remporte le Grand Prix devant Breathing Earth : Susumu Shingu, production et réalisation allemande dédiée à la pratique d’un artiste japonais peu connu en dehors du Japon. Sur un mode admiratif univoque un peu lassant, il célèbre Susumu Shingu en maître du vent, auteur de moulins et sculptures animées par Zéphyr. Thomas Riedelsheimer – dont on ne s’étonnera pas qu’il ait déjà consacré un documentaire à Andy Goldsworthy, tant les univers plastiques fusionnels avec la nature des deux artistes se ressemblent – signe une réalisation classique et un peu ennuyeuse. Quant au meilleur film éducatif, il a récompensé The Day Carl Sandburg Died, téléfilm américain contant avec force d’archives, mais aussi de plates reconstitutions, le parcours de ce poète, romancier, historien et biographe dont on connaît peu le corpus en France. Ainsi, le prix du meilleur film pour la télévision s’est-il dédoublé entre un portrait consacré au photographe de mode britannique Norman Parkinson (film assez efficace en raison de la truculence du personnage documenté et la multitude des témoignages) et un portrait consacré au chef d’orchestre Herbert von Karajan. Le prix du meilleur reportage remis à The New Rijksmuseum 4 a reconnu le mérite de la caméra indiscrète de Oeke Hoogendijk sur le chantier du musée amstellodamois. On y assiste, médusé, à la déconfiture de l’architecte Jean-Michel Wilmotte, dont la proposition d’aménagement, et notamment le choix de nuances de noirs, est balayée par le directeur général du Musée Wim Pijbes après un essai grandeur nature. Le prix du meilleur portrait a été attribué à Picasso, l’inventaire d’une vie, film épique qui tricote à la fois la vie sentimentale de ce génie du XXe siècle et les problèmes de succession qui se sont dessinés à sa disparition en 1973. Tous les héritiers témoignent, même Bernard Ruiz-Picasso que l’on sait habituellement très discret. Le film d’Hugues Nancy produit par Gédéon alterne images d’archives et témoignages, sans fantaisie mais avec à-propos, pour poser les enjeux financiers et artistiques de la découverte des trésors de Picasso après sa disparition. Une réussite.
Enfin, le jury composé du monteur et cinéaste suisse Matthias Bürcher, du cinéaste québécois Phil Comeau, du réalisateur et scénariste belge Claude François, du critique et documentariste français Jean-Paul Fargier et de Danielle Sauvage, éminente figure de la culture institutionnelle québécoise, a eu du flair avec le prix de la meilleure création décerné à Off-Ground, film du Néerlandais Boudewijn Koole. En douze minutes, s’y déroule une chorégraphie originale entre une femme et un enfant, simplement accompagnée de musique. De ce dialogue corporel entre la danseuse québécoise Louise Lecavalier et le jeune Antoine Masson naît progressivement une relation intense presque hypnotique, particulièrement dense et communicative. Regarder ce film, c’est entrer dans cette danse à deux, un très beau moment et une proposition qui tranchait enfin dans ce palmarès ayant au final récompensé quatorze films d’art.
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Une Fifa en mal d’exaltation
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°412 du 25 avril 2014, avec le titre suivant : Une Fifa en mal d’exaltation