Il en est de l’acte de créer et de l’œuvre qui en résulte comme de l’acte d’aimer et de l’empreinte qu’on pourrait en tirer.
On pourrait vendre celle-ci à des yeux ébahis, l’accrocher, la vanter, la porter au pinacle, la nommer, la revendre, mais on ne pourrait que vivre celui-là dans sa chair, ici-bas, forcément isolée, forcément singulière, s’y ouvrir, s’y adonner et s’y abandonner. L’acte, lui, s’exhale dans un instant immédiat. Il se prononce puis s’évapore. Dans un trait, dans un jet, il s’exprime depuis le corps d’où, entre la source profonde et son sujet, il incarne une fusion. Unique et discret, il vit d’une prodigalité frugale, d’une faim, de celles qui dessinent la qualité des liens. Son empreinte, elle, tend à l’éternité. Elle s’inscrit dans la matière et dans la durée. C’est un achèvement. Elle se nourrit d’une rareté chère et d’une insuffisance chérie, pour reproduire une quantité, une avidité dans l’absence, autant coupée de la voix originelle que noyée dans ses échos. Par jeu de comparaison, la légèreté de l’un dévoile le poids de l’autre. Serge Rezvani ne s’y est jamais trompé. À l’heure sonnante, trébuchante, du prompt-art et des NFT, tout à son acte intime mêlé d’amour et de création, il manie encore et toujours l’art subtil de ne s’inscrire dans rien, de ne se conformer à personne, de n’avoir à vendre que de se couler dans son geste, dans le souffle de sa vie, dans la fertilité de son imagination. Les deux ouvrages parus en septembre aux éditions Philippe Rey, rééditions de son autobiographie de 1980 et carnet de dessins sur des œuvres de littérature rempli durant le confinement de 2020, célèbrent ensemble cet élan qui rayonne sur sa trajectoire d’artiste, rebondissante, produisant des œuvres peintes, littéraires, poétiques, musicales, des œuvres d’art aux formes aussi multiples que le sont les métamorphoses de l’homme. Toutes, toujours, composées face à la création et dos à l’art. Engendrées par l’amour, façonnées par l’humour, pour donner ce surcroît de sens et d’existence à chaque mouvement de la vie. Dans une connivence, une assonance primordiale qui résonne bien plus qu’à la rime. L’un dans l’attachement, l’autre dans le détachement. À l’inspire et à l’expire. À l’aller comme au retour. Sur un trajet jamais achevé, dans le report permanent de son achèvement, et dont le testament vivant réside en chaque instant.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un geste en quête du mouvement
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°761 du 1 janvier 2023, avec le titre suivant : Un geste en quête du mouvement