Dans une mise en page très contemporaine, Teal Triggs brosse un portrait des dernières innovations dans le domaine du graphisme international.
Avec ses superpositions gentillettes de lettres colorées, la couverture blanche du livre La Typographie expérimentale paraît presque classique en regard de la hardiesse de ses pages intérieures où l’on découvre les recherches typographiques récentes (1990-2002) de trente-sept « créateurs de caractères » du monde entier, graphistes installés, célèbres et moins connus, ou bien professeurs et élèves d’écoles de graphisme. Une bonne part d’entre eux – les deux tiers – sont anglo-saxons. Rien d’étonnant car l’auteur, Teal Triggs, ex-directrice d’études typographiques au London College of Printing et aujourd’hui enseignante à la Kingston University, à Londres, est américaine. Aussi devra-t-on se contenter de quelques exceptions culturelles, tels le graphiste Pierre di Sciullo (ouf, un Français !), ou encore un professeur zimbabwéen, Saki Mafundikwa, et ses étudiants du ZIVA (Zimbabwe Institute of Vigital Arts). La sélection ne manque cependant pas d’intérêt, puisque ces « expérimentateurs-typographes » n’hésitent pas à remettre en cause des notions aussi fondamentales que la fonctionnalité et l’esthétique, et ce de manière radicale.
Selon Stanley Morison, l’inventeur du Times New Roman, la typographie est la manière particulière de « disposer les lettres, distribuer l’espace et maîtriser les polices de caractères afin d’aider au maximum le lecteur à comprendre le texte ». Sauf qu’entre une « uniformité reposante » et une « excitation visuelle », il y a de la marge. « En ajoutant des couches supplémentaires d’information typographique, notre lecture du mot va au-delà de sa signification d’origine, estime Teal Triggs. L’expérimentation typographique explore aussi le potentiel expressif de la disposition des caractères. » On joue, notamment, sur la « graisse » de la lettre – son épaisseur –, le « corps » – sa taille –, mais aussi sur des astuces visuelles comme les superpositions, les déformations ou l’emplacement dans la page. D’où parfois des résultats grotesques, à la lisibilité douteuse, ce qui a le don d’irriter Béatrice Warde, historienne de la typographie, laquelle fustige ces « typographes-acrobates qui se complaisent dans des expériences narcissiques et spectaculaires ».
Effervescence visuelle
L’ouvrage se compose de cinq parties thématiques, qui balaient la nouvelle création typographique tous azimuts : des « alphabets » imaginés à partir d’objets du quotidien – le Dead Type (1999) du Suisse Hansjakob Fehr réalisé à partir de pièces détachées d’une machine à écrire, le Bits (1995) de l’Anglais Paul Elliman conçu avec des trombones, des clefs et autres déchets de métal ou de plastique… – aux recherches purement numériques, telles celles du Japonais Noriyuki Tanaka, de la Tchèque Klara Kvizova, ou de Fred Flade, 35 ans, auteur du site Web du Design Museum de Londres, sans doute sa création la plus connue et qui lui a valu, en 2001, la médaille d’or de l’Art Directors Club de New York.
Face à l’effervescence visuelle de ces typographies novatrices, l’effort est de rigueur : « Le lecteur postmoderne est un participant actif », admet Teal Triggs.
Teal Triggs, La Typographie expérimentale, éd. Thames & Hudson, 224 pages, 1 000 illustrations, 29,95 euros, ISBN 2-87811-241-5. Parution : le 18 mai.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°191 du 16 avril 2004, avec le titre suivant : Traits de caractères