Un recueil d’articles examine la porosité entre l’homme et l’animal dans la création artistique.
« La relation “animal/humain” est, ces dernières années, dans l’air du temps », écrit Danièle Méaux, spécialiste de la photographie et universitaire, responsable de l’ouvrage collectif Animal/humain : passages. La question animale occupe des spécialistes venant de tous bords (philosophes, biologistes, psychologues, spécialistes en droit...). On est bien loin de Descartes et de sa vision de l’animal : une machine, un automate perfectionné. C’est plutôt du côté d’Élisabeth de Fontenay ou de Jacques Derrida et de son dernier livre, L’Animal que donc je suis que se situe la pensée contemporaine. Les articles réunis ici s’intéressent à la perméabilité de la frontière humain/animal dans le domaine artistique. De fait, la création récente semble rejeter la vision d’une race humaine susceptible de régner sur l’univers animal, de modeler l’autre absolu sur l’image de soi. Les artistes s’interrogent davantage sur la part animale, voire bestiale, de l’être humain et réciproquement, sur la représentation réductrice des animaux. Le mérite de ce recueil est dans sa diversité : les arts plastiques, mais aussi la photographie, le théâtre, la danse, la musique et la littérature sont explorés. Autrement dit une approche véritablement transdisciplinaire qui permet une vision globale.
La musique des sons d’animaux
Ainsi, deux articles étonnants sont écrits par des musicologues qui constatent que « les compositeurs, quant à eux, ont toujours su ne pas être les seuls musiciens au monde » (Béatrice Ramaut-Chevassus, « Configurations vocales animales/ humaines dans la musique de Peter Eötvös »), thème également développé par Laurent Potier (« Des sons animaux pour la composition musicale après 1950 »). Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de montrer comment des œuvres instrumentales et vocales (Olivier Messiaen, Pierre Schaeffer mais aussi les Pink Floyd) ont « recyclé » les chants d’oiseaux dans leurs œuvres. Ailleurs, c’est la continuité de l’homme-animal (ou plutôt la femme-animal) qui est analysée avec les performances étranges et inquiétantes de Rebecca Horn (Jean-François Py). Continuité ou métamorphose dans le domaine littéraire étudié par Anne Simon, avec, comme exemple principal, les récits de Marie Darrieussecq. Ailleurs encore, Laurence Tuot traite avec « Viandes insensibles », l’animal qui se dévore lui-même dans les images publicitaires et Jean-Pierre Mourey réfléchit, à travers les œuvres de Henri Cueco et Miquel Barceló, sur la représentation des bêtes en nombre et l’effet menaçant de masse qu’elles produisent (« Meutes, foules, multitudes ») Impossible de résumer la richesse de ces regards croisés. L’intérêt pour l’animalité témoigne probablement du désir de prêter attention aux formes de la vie qui se déploie et se rénove, telles qu’elles sont abordées par la pensée actuelle, de Foucault à Jean-Christophe Bailly. Les auteurs semblent partager ce désir (utopique ?) de Bailly de frôler, l’espace d’un instant, « une autre tenue, un autre élan et tout simplement une autre modalité de l’être ».
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Tous des bêtes
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Abonnez-vous dès 1 €Dir. Danièle Méaux, Figures de l’art 27, Presse de l’Université de Pau et des pays de l’Adour, 328 pages, 28 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°422 du 31 octobre 2014, avec le titre suivant : Tous des bêtes