La postérité s’en était tiré à bon compte avec Chassériau : ce météore de la peinture romantique, né l’année du Radeau de la Méduse, en 1819, mort en pleine gloire en 1856, passait pour avoir tenté, avec des succès inégaux, la synthèse des deux maîtres antagonistes, Ingres et Delacroix. Elève du premier, séduit par le second, enthousiasmé comme lui par l’azur de l’Orient, il restait le jeune lion élégant qui, s’il n’était mort si jeune, aurait pu ouvrir une troisième voie à la peinture du XIXe siècle. Voilà qui évitait de se poser la question de ce qu’avait voulu montrer le peintre de La Toilette d’Esther, la plus belle poitrine du Louvre, et du brûlant Tepidarium. Avec l’excellente plume qui caractérisait déjà L’Atelier du voyage (Le Promeneur, 1995) et Les Orientalistes (Hazan, 1997), Christine Peltre révise ce procès trop rapide. A ce lion, elle redonne sa férocité, son caractère, ses incertitudes aussi : « L’aptitude à la synthèse et à la conciliation qui lui est souvent attribuée cache en réalité un affrontement ». L’analyse magistrale et minutieuse des tableaux permet de cerner l’énigme de celui qui n’est ni un Ingriste dévoyé, ni un « Delacroix femelle ». Ce que C. Peltre nomme son « indétermination » lui permet d’exceller dans « la représentation répétée des êtres en crise ». Elle le suit dans ses dessins, ses croquis de voyage, ses estampes, croise les témoignages, de Théophile Gautier à Gustave Moreau. Cette enquête, fine et sensible, avant l’exposition du Grand Palais, révèle un génie tourmenté dont on croit sentir le souffle, entre ces pages, pour la première fois.
- Christine Peltre, Théodore Chassériau, éd. Gallimard, 255 p., 75 €.
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Théodore Chassériau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°533 du 1 février 2002, avec le titre suivant : Théodore Chassériau