Les passages couverts se sont développés dans la capitale française de la fin du XVIIIe siècle à la fin de la monarchie de Juillet.
Les éditions Parigramme publient, sous la plume de l’architecte Jean-Claude Delorme et de la journaliste Anne-Marie Dubois, un ouvrage passionnant, détaillé et cartographié, consacré à ces boyaux vitrés filant entre deux rangées d’immeubles, depuis leur construction jusqu’à aujourd’hui.
Guide à la main, le lecteur est invité à partir à la rencontre des passages luxueux – du Palais-Royal au boulevard des Italiens – et de ceux plus roturiers – autour de la rue Saint-Denis – qui ont fleuri sur la rive droite de la Seine, percés par une bourgeoisie issue de la finance et du négoce. S’inspirant des souks orientaux et de leur amoncellement de marchandises placées sous une lumière zénithale (le passage du Caire s’inscrit en 1799 dans l’égyptomanie importée de la campagne napoléonienne), ces passages, éclairés à la lampe à gaz, protègent les passants des rues étroites, inégalement pavées et sans trottoirs. Boutiques, cafés, cabinets de lecture et lieux de commodités s’y développent autour des salles de théâtre. Mais sous le Second Empire, la ville change d’échelle : la percée des grandes artères haussmanniennes décentre les passages, leur faisant perdre leur rôle de raccourci, et des boulevards, tels celui de Sébastopol, les ampute en partie. Et les grands magasins viennent éclipser ces chemins commerciaux de traverse.
Évolutions dans le temps
Le passage des Princes est le dernier à ouvrir ses portes, en 1860. Si plusieurs passages couverts ont disparu, vingt et un subsistent aujourd’hui. À l’exception de la galerie Colbert, investie par la Bibliothèque nationale de France puis par l’Institut national d’histoire de l’art, ils ont conservé leur vocation marchande. Tandis que les occupants se succédaient, les murs, peu entretenus au XXe siècle, se sont affaissés avec le temps. Et ont donné lieu à des réhabilitations parfois douteuses : la galerie Colbert, démolie en 1983, est remplacée par un flamboyant pastiche de style pompéien.
L’évolution des passages couverts pourra se mesurer à la lecture comparée entre le guide de 2014, richement illustré de photographies très actuelles de Gilles Targat, et l’ouvrage de référence de Bertrand Lemoine (1), historien de l’architecture et grand exégète des passages parisiens. Très détaillé et foisonnant de notes de bas de page, cet ouvrage datant de 1989 donne à voir l’état des passages parisiens il y a vingt-cinq ans. Le passage des Princes n’avait pas encore été rasé, reconstruit et uniformément colonisé par une enseigne de jouets. Le passage du Grand-Cerf attendait d’être restauré et d’attirer de nouveaux locataires. Le passage Brady, somnolent, n’accueillait pas encore les restaurants de la diaspora pakistanaise qui lui donnent une nouvelle identité. À l’heure où de nouveaux chantiers se dessinent pour les passages, il est opportun qu’un nouvel ouvrage en fixe l’état actuel.
(1) Bertrand Lemoine, Les passages couverts en France, 1989, Délégation à l’action artistique de la Ville de Paris, Paris.
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Abonnez-vous dès 1 €Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois, éd. Parigramme, 2014, 191 p, 19,90 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°411 du 11 avril 2014, avec le titre suivant : Sortez couverts