Sexe, mystère et religion

Une relecture des mythes gréco-latins

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 19 juin 1998 - 385 mots

La minutieuse relecture des fresques de la villa des Mystères à Pompéi, qui démêle les fils des préjugés et des mésinterprétations, ouvre la voie à une démythification des questions du regard et de l’érotisme dans la culture gréco-latine.

La très complexe mythologie gréco-latine a suscité d’innombrables interprétations qui, bien souvent, au lieu de contenir les mythes, en ont surimposé d’autres, nourris de préjugés modernes et de postulats anachroniques. Depuis Comment on écrit l’histoire, en passant par Les Grecs ont-ils cru en leurs mythes ?, tout le travail de Paul Veyne a consisté en une radicale reconsidération du rapport à l’objet historique lui-même. “La vérité, en l’occurrence, écrit-il en avant-propos du présent essai, c’est notre besoin forcené, et légitime sans doute, de trouver partout du mystère.” L’historien doit pourtant impérativement battre ce besoin en brèche. Les fresques de la villa dite des Mystères, à Pompéi, qui ont suscité de multiples projections de la part des historiens et des archéologues, est un remarquable cas d’école, à la fois par la richesse des scènes représentées et par l’abondante littérature qui leur ont été consacrée.

Avec la patience souveraine d’un détective qui sait les trahisons possibles de la description, Paul Veyne écarte, en s’appuyant sur une scrupuleuse argumentation, les hypothèses les plus diverses qui ont obscurci et défiguré le sens de ces peintures. On a voulu y voir une allégorie de l’initiation aux Mystères de Bacchus, hypothèse réclamant toute une série d’ajustements plus sérieux et plus aveuglants les uns que les autres qui ont fini par greffer une fable sur la légende. Il ne s’agit pas d’une restauration mais d’une véritable remise à jour, où les questions sont traitées aussi concrètement et universellement que pouvaient les aborder les contemporains eux-mêmes. Avec humour et distance vis-à-vis de ce qui se révèle être un matin de noces au gynécée, témoignant de l’idéologie et de la sexologie gréco-latines. À la suite de ce premier examen, qui restitue aussi à la fresque sa poésie, François Lissarrague explore les recoins du gynécée dans la tradition grecque, et Françoise Frontisi-Ducroux s’interroge quant à elle sur le “sexe du regard”, à travers les images et les textes qui faisaient une large place à l’érotisme.

Paul Veyne, François Lissarrague, Françoise Frontisi-Ducroux, Les mystères du gynécée, Gallimard, collection “Le Temps des images�?, 328 p., 195 F. ISBN 2-07-074738-7.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°63 du 19 juin 1998, avec le titre suivant : Sexe, mystère et religion

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