Robert Rauschenberg : Night shades and phantoms
Chaque mois, Laure Albernhe, l’animatrice des Matins Jazz sur les ondes de TSF JAZZ, rencontre un musicien inspiré par les arts visuels. Ce mois-ci un entretien avec Sébastien Giniaux.
Violoncelliste puis guitariste, notamment au sein du groupe de jazz manouche Selmer #607, il est aujourd’hui l’un ou l’autre… mais pas seulement. Si Sébastien Giniaux brouille les pistes, c’est guidé par la recherche permanente de la poésie, qui passe aussi par sa pratique de la peinture.
J’ai toujours dessiné, avant même de me mettre à la musique. C’est grâce à l’école que j’ai découvert l’histoire de la peinture du XXe siècle. Cela m’a transformé. Les artistes que j’ai découverts alors sont ceux qui continuent de me remuer. Le premier a été Pierre Alechinsky, sans doute parce qu’il y avait quelque chose d’abordable dans son travail, un côté un peu BD. C’est par lui que j’ai accédé à d’autres choses. Puis Picasso et Matisse m’ont retourné… Basquiat, Rauschenberg, Pollock et Yves Klein ensuite.
C’est ce qu’on me dit, sans doute parce que j’écris sur mes toiles. J’ai toujours fait ça, même avant de connaître son travail. Mais je ne suis qu’un rigolo à côté de lui. Il y a quelque chose chez Basquiat de fulgurant, de libre, tellement beau de sauvagerie, et en même temps une grande maîtrise, une vraie précision. Ça me touche dans le propos politique et poétique. Turner aussi peut me faire pleurer, les romantiques allemands, des livres d’ornithologie peints, Toulouse-Lautrec… Et Picasso, mon héros ! Ce qui me fascine chez lui, c’est sa liberté de toujours changer en se foutant du regard des autres. C’est comme Django Reinhardt : je n’ai pas aimé le jazz de Django pour les chaussures bicolores, mais parce qu’il a une identité forte et qu’il a toujours évolué, comme tous les artistes que j’aime.
Je ne suis pas constant. Je peins par périodes. En musique, je peux passer de la guitare au violoncelle sans toucher l’un ou l’autre pendant des mois. Je peins, je joue, mais généralement pas dans les mêmes périodes. Je veux que la peinture reste pour moi une activité vraiment libre. À chaque fois que j’ai exposé, c’est parce qu’on me l’avait proposé, pour la galerie Frémeaux & Associés ou pour le festival Jazz à Fontainebleau, par exemple. Il y a toujours un lien avec la musique. La seule fois, en dehors de ça, où j’ai eu affaire à une galerie d’art, j’ai eu le sentiment de perdre ma liberté. Vivant déjà ce genre de situations en musique, des situations que je fuis, je n’ai vraiment pas envie de connaître ça avec ma peinture. Donc je la garde pour moi.
Du coup, j’ai un rapport beaucoup plus naturel au dessin et à la peinture. Pour la musique, j’ai une longue formation au conservatoire et j’ai intégré que c’était une pratique difficile. J’ai beaucoup travaillé pour que ça devienne facile et naturel, mais ça n’a pas été le cas au début. Je me sens mieux quand je peins. J’adore peindre et le résultat ne m’intéresse pas. C’est le processus que j’aime. Dans la peinture, on peut rater et refaire par-dessus.
Je suis sensible à la poésie, où qu’elle soit. Même en musique, je n’appartiens pas vraiment à une chapelle. J’en ai visité beaucoup, et quand j’en visite une, c’est de fond en comble, mais je garde mon chapeau. D’ailleurs, je ne sais plus très bien quelle musique je fais. Il se trouve que j’ai beaucoup travaillé la musique et qu’elle me permet de vivre ma timidité sans mots. Mais pour moi, c’est juste un support, comme la peinture. D’ailleurs, il y a souvent des thèmes dans mes tableaux. J’agis un peu comme avec la musique : je ne sais pas ce que je vais dessiner, c’est plutôt un jeu d’équilibre. Je pars d’une chose : un visage, un objet, puis je cherche un nouvel équilibre qui n’est qu’à moi.
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Sébastien Giniaux : Je me sens mieux quand je peins
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°737 du 1 octobre 2020, avec le titre suivant : Sébastien Giniaux : Je me sens mieux quand je peins