« Plus que tout autre peintre avant lui, Rembrandt s’est attaché à multiplier les facettes de la vie d’un enfant au cours de ses premières années. »
Quoi de plus normal pour un peintre de genre attaché à peindre « la représentation de la vie quotidienne », « un type relativement nouveau de peinture » qui s’épanouit au XVIIe siècle aux Pays-Bas, rappelle Tzvetan Todorov dans Le Cas Rembrandt, texte de 2008 repris aujourd’hui dans la collection « Essais » aux Éditions Points [9 €]. Or, c’est un fait : « la vie quotidienne » est faite d’enfants. Pour Patrick, le personnage central de L’Homme à la bulle de savon [Éditions Don Quichotte, 252 p., 17,90 €], roman tiré d’un fait réel que signe cette année Sylvie Matton, la vie ne tourne même autour que d’« un » seul gamin : L’Enfant à la bulle de savon, tableau de Rembrandt conservé au Musée de Draguignan. « La première fois qu’il vit L’Enfant, Patrick avait treize ans. C’est la première fois qu’il entrait dans un musée. » Ce ne sera pas la dernière jusqu’à la veille du 14 juillet 1999 où Patrick s’enferme dans un placard dudit musée afin d’y dérober le tableau. Il vivra plusieurs années en sa compagnie, caché derrière un meuble ou dans la penderie, au risque de voir un jour des cambrioleurs lui voler « son » enfant. Enfin, celui de Rembrandt, dont d’aucuns lui en contestent toutefois la paternité… En réalité, probablement celui d’un voisin, car, « Les enfants du peintre meurent l’un après l’autre […], alors que les enfants des dessins prospèrent, se multiplient, grandissent », rappelle Todorov, pour qui : « Les enfants que nous y voyons sont ceux des voisins, non ceux de Rembrandt. » « Patrick a vécu sans le savoir le syndrome de Stendhal », analyse Sylvie Matton, qui voue elle aussi une passion au peintre hollandais – elle est l’auteure de Moi, la putain de Rembrandt. Le philosophe donne peut-être la clé de telles passions : « Quand nous regardons un tableau de Rembrandt […], nous avons l’impression de voir plus qu’une image : une leçon de vie et d’humanité. » Rembrandt aurait adoré dessiner Patrick. Pas sûr, en revanche, que ce dernier ait aimé vivre au temps de Rembrandt. À une certaine Elsje Christiaens que celui-ci a croquée, la justice réserva un bien sordide sort : elle fut « clouée sur un poteau jusqu’à ce que mort s’ensuive et [reçut] alors plusieurs coups de hache sur la tête », raconte Todorov. Il est vrai qu’elle n’avait pas volé une œuvre d’art, mais tué sa logeuse. Fût-ce par accident…
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Rembrandt, Stendhal, Patrick et L’Enfant volé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°681 du 1 juillet 2015, avec le titre suivant : Rembrandt, Stendhal, Patrick et L’Enfant volé